Une évidence: en cas de crise ou d’accident, peu d’entreprises tunisiennes savent communiquer, tandis que leurs responsables, handicapés par l’absence de stratégies de communication efficaces, ne font qu’aggraver la situation de crise par leurs déclarations improvisées, incohérentes, parfois même déstabilisatrices.
La défaillance de la communication sur le récent accident de train de marchandise (24 décembre 2012) à Bouargoub (banlieue sud de Tunis) est devenue un cas d’école en la matière. La crise générée au sein de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT) par cet accident au cours duquel le conducteur et son assistant ont trouvé la mort a été aggravée par la déclaration d’un responsable de ladite société.
Ce dernier, en faisant porter la responsabilité de l’accident au conducteur, a provoqué l’ire des agents, chauffeurs et cadres de la SNCFT dans les différentes régions du pays, lesquels, en réaction à cette déclaration, avaient observé une grève d’une journée, occasionnant un grave préjudice aux usagers du train et à l’économie du pays.
Pis, les grévistes avaient mis à profit cette déclaration “provocatrice“ pour attirer l’attention sur les fragilités et faiblesses du matériel roulant de la société et sur les contrats conclus par la société dans des conditions qu’ils ont qualifiées de “peu transparentes“, générant, à leur tour, une défiance des usagers vis-à-vis de la sécurité du transport ferroviaire.
C’est le cas d’une crise qui génère une autre. Le tout aurait pu être évité si jamais la SNCFT disposait d’un service de communication professionnel, estiment certains spécialistes.
D’ailleurs, ce cas d’école a fait l’objet d’une journée d’études organisée le 26 janvier par le Centre Saphir Tunisia des études et de formation, avec la participation de «responsables de la communication» de plusieurs entreprises et établissements publics dont la Protection civile, la Garde nationale, le ministère du Transport, l’Office de l’aviation civile et des aéroports (OACA), la Société des transports de Tunis (Transtu), la Société tunisienne d’acconage et de manutention (SAM), l’Agence de promotion des investissements agricoles (APIA), la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS), la Banque de l’Habitat (BH)…
L’objectif de cette session de formation était de faire acquérir aux «messieurs communication» de ces entreprises des réflexes devant les aider à gérer au mieux la communication au cas où leur entreprise serait confrontée à une crise.
Les témoignages des participants au cours de cette session ont montré de manière criarde que la communication est «le chaînon manquant» dans l’administration et l’entreprise tunisiennes, que leurs premiers responsables ont une aversion extrême pour la communication et qu’ils affectent à leurs soi-disant services de communication des personnes pas vraiment compétentes.
Ils ont également évoqué l’insuffisance d’effectifs dont disposent ces services et le peu d’intérêt accordé à ces cellules chétives. A titre indicatif, le ministère du Transport compte une seule personne chargée de la communication et des relations avec le citoyen alors que ce département est réputé pour ses nombreuses activités à haut risque (accidents de bus, de trains, de navires et d’avions).
Parfois, les responsables de ces services de communication perçoivent leur activité comme une véritable planque. En témoigne leur méconnaissance des risques que leurs entreprises encourent. C’est le cas de la CNRPS. Sa cellule de communication ne serait pas consciente de la grave situation que vit cette Caisse de sécurité sociale, crise qualifiée d’«alarmante» par Khélil Zaouia, ministre des Affaires sociales, département en charge de ce dossier.
Idem pour la Banque de l’Habitat, son service de communication n’a jamais communiqué sur le projet de fusion de cette banque avec les deux autres banques publiques (STB, BNA…) et sur les conséquences de cette fusion sur le personnel.
Et la liste est loin longue.
Cette session a eu toutefois le mérite de révéler que la communication au sein d’une entreprise ne peut être efficace et productive qu’avec une bonne gouvernance de l’entreprise, une gouvernance qui reconnaît en connaissance de cause le bien-fondé de la communication et l’impératif de recruter des communicateurs professionnels.