Le Centre de réflexion stratégique pour le développement du nord-ouest (CRSDNO), think tank fondé et présidé par Kamel Ayadi, a mis à profit la récente vague des sit-in qui ont eu lieu dans plusieurs villes du nord-ouest (Makhthar, Ghardimaou, Nefza, Ain Draham, Jendouba…) pour attirer, encore une fois, l’attention du public sur la dégradation avancée de la situation socio-économique de cette région économique (Béja, Jendouba, Le Kef, Siliana).
Lors d’une conférence organisée, il y a une semaine, à l’Ecole nationale de l’administration (ENA) et à laquelle a pris part un panel de cadres des quatre gouvernorats, journalistes, observateurs de développement, universitaires et membres de la Constituante, Kamel Ayadi a déclaré qu’en dépit des atouts majeurs dont il dispose, le nord-ouest de la Tunisie demeure une région sous-développée, extrêmement pauvre, et partant répulsive. Le taux démographique étant en baisse continue depuis 1975.
Au nombre de ses atouts, il a cité les ressources en eau (barrages…), les grandes cultures, le tourisme (écotourisme, tourisme d’hivernage, tourisme culturel…) et un potentiel forestier, autant de richesses qui en font, respectivement, le château d’eau, le grenier et le poumon de la Tunisie.
Ouvrant le débat, un cadre originaire de douar Kraymia (délégation d’Ain Draham), a estimé que les atouts précités n’ont jamais profité aux populations indigènes, et que de ce fait, constituent plus des «malédictions» que «des richesses».
Ainsi, selon lui, le potentiel hydrique dont recèle la région est perçu par les communautés de cette région plus comme un facteur appauvrissant et déstructurant que comme un facteur de développement et de prospérité. Les précipitations dans cette région érodent la terre, provoquent des glissements de terrain et favorisent l’expropriation de fertiles terres agricoles en raison de la mise en eau des barrages dont les lâchers d’eau accentuent, en prime, les crues des oueds et menacent, régulièrement, en aval, des villages comme Bou Salem, Medjez El Bab, El Batan…
Lui emboîtant le pas, le responsable du CRSDNO de Jendouba pense, à son tour, que le potentiel agricole ne profite guère, de nos jours, à l’agriculteur de la région lequel vit dans un cercle vicieux. D’un côté, il ne peut vivre de sa terre à cause des crues dévastatrices qui en charrient les alluvions et le privent de sa seule source de revenu, de l’autre, il ne peut pas payer ses créances bancaires parce que, tout simplement, il ne dégage pas assez de revenu pour s’en acquitter. Conséquence: il est plombé et réduit à néant.
Idem pour le potentiel forestier. Il profite plus à la société portugaise qui l’exploite qu’aux montagnards qui vivent depuis l’accès du pays à l’indépendance dans l’indigence et la précarité les plus totales. Dans ces contrées, le citoyen ne peut, selon la loi, s’approprier ni la terre, ni les clairières dans les périmètres forestiers, ni les cours d’eau. D’où l’enjeu, a-t-on-martelé, au cours de cette conférence, d’engager une réflexion profonde sur des stratégies développementales participatives devant favoriser une coexistence intelligente entre le patrimoine forestier et les habitats des forêts.
S’agissant du tourisme, des participants ont déploré le retard qu’accuse par l’effet des lobbys du balnéaire, la promotion de nouveaux produits comme le tourisme d’hivernage, le tourisme agricole, l’écotourisme et le tourisme archéologique.
D’autres ont suggéré d’exploiter à bon escient le positionnement géographique du district du nord-ouest en développant ses échanges économiques avec les pays de proximité (Algérie, Italie) et de mettre en place, à cette fin, des zones franches génératrices de précieux emplois.
Cela dit, le ton était en général à l’exaspération et à la défiance de l’administration centrale au point de pousser un participant à demander à ce que les études de projets de développement à programmer dans cette région soient dorénavant accompagnées, dès leur achèvement, d’un tableau de bord pour leur mise en œuvre immédiate.