Rafale contre Eurofighter : qui perd gagne dans l’industrie de la défense

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Deux Rafales, le 13 juin 2011 (Photo : Joel Saget)

[01/02/2012 15:37:32] PARIS (AFP) Dans le grand Meccano de l’industrie européenne de la défense, la règle est parfois qui perd gagne : le contrat pour le Rafale de Dassault en Inde profitera aussi à EADS, constructeur de l’avion rival, Eurofighter.

Le Rafale de l’avionneur français a été sélectionné mardi pour équiper l’armée de l’air indienne, aux dépens du Typhoon du consortium Eurofighter jugé trop cher.

La négociation finale de ce “contrat du siècle” – 126 appareils pour 12 milliards de dollars – reste à mener.

Et si Dassault Aviation emporte bien la mise, les retombées économiques pour lui et ses partenaires, Safran pour les moteurs, et Thales pour l’électronique de défense, se feront attendre. “L’impact effectif n’est pas attendu avant 2014”, a estimé mercredi Christophe Ménard, analyste chez Kepler Capital Markets.

Le coup est rude pour le Typhoon qui s’est déjà vendu à plus de 500 exemplaires, contre 180 pour le Rafale, mais a besoin d’exportations pour garantir le maintien de la production au-delà de 2017.

Mais EADS, maître d’oeuvre de l’Eurofighter, n’en est pas perdant pour autant. Le groupe, formé en 2000 par la France, l’Allemagne et l’Espagne détient en effet 46,3 % du capital de Dassault et bénéficie donc indirectement de ses succès.

Ces participations croisées sont le résultat des efforts de Européens pour consolider leur industrie de la défense face aux géants américains quand la fin de la guerre froide a fait baisser les commandes.

L’Etat français avait donné une participation dans Dassault à Aerospatiale Matra en 1998 pour préparer leur rapprochement, qui n’a jamais eu lieu. Aerospatiale Matra a fusionné deux ans plus tard avec DASA (Allemagne) et CASA (Espagne) pour former EADS.

Trop allemand

Depuis, le gouvernement a privilégié des acquisitions de Dassault qui mettent ce groupe familial en mesure de former un pôle français de la défense, à la grande frustration d’EADS dont l’Etat détient pourtant 15% des actions.

Paris trouve apparemment trop allemande à son goût la filiale défense d’EADS, Cassidian, formée essentiellement des actifs de DASA. Et puis “un avion français, ça fait plus d’emplois pour la France, c’est aussi simple que ça”, a commenté le ministre du Travail, Xavier Bertrand, après le succès du Rafale.

La France avait empêché en 2008 EADS d’entrer dans le capital de Thales et a préféré vendre à Dassault, qui détient désormais 26% des parts.

Thales à son tour a pris 35% des parts du groupe étatique DCNS (construction navale) et a annoncé fin 2011 son entrée prochaine chez le fabriquant de blindés Nexter, qui appartient totalement à l’Etat.

EADS n’est que partenaire minoritaire chez Dassault, dix fois plus petit que lui. Il assiste impuissant à la coopération de l’avionneur avec BAE Systems sur les drones militaires de théâtre (MALE moyenne altitude, longue endurance) pour rivaliser avec son propre projet Talarion.

BAE Systems va en revanche souffrir de la victoire de Dassault en Inde. Il a déjà du supprimer 3.000 emplois l’année dernière en raison du ralentissement des commandes d’Eurofighter.

Mais il pourra se consoler avec les ventes de missiles qui équiperont les Mirage 2000 indiens et probablement les Rafale. Ils sont fabriqués par MBDA, co-entreprise de BAE Systems, EADS et Finmeccanica.

Pour Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques, “MBDA est le seul exemple d’intégration réussie dans l’industrie de la défense européenne”.