Crise grecque : une double négociation hors norme pour une situation unique

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é de journalistes, le 4 février 2012 à Athènes (Photo : Louisa Gouliamaki)

[05/02/2012 10:38:30] ATHENES (AFP) Depuis des mois, le gouvernement grec négocie avec ses créanciers privés les modalités d’un accord scellé fin octobre à Bruxelles pour effacer 100 milliards d’euros de dette, et avec ses créanciers publics (UE, BCE, FMI) pour l’octroi d’un deuxième prêt d’au moins 130 milliards.

Ces deux négociations liées, connues en jargon européen sous leurs acronymes anglais PSI (private sector involvement), et OSI (official sector involvement), qui pourraient être bouclées prochainement, sont censées éviter une faillite immédiate de la Grèce, alléger le poids de sa dette, et surtout restabiliser la zone euro.

La décision unique en son genre d’impliquer le secteur privé aux côtés des gouvernements de la zone euro dans le sauvetage financier de la Grèce a été imposée par l’Allemagne, malgré la longue opposition de la France qui a fini par s’y rallier, et de la Banque centrale européenne (BCE) qui traîne des pieds pour y participer.

Les 100 milliards qui ne seront pas remboursés par Athènes représentent la moitié de la dette grecque détenue par les banques, assurances, fonds de pension ou hedge funds et 35% de la dette totale.

L’opération doit permettre de réduire le taux d’endettement du pays autour de 120% de son PIB d’ici à 2020, au lieu de 160% actuellement.

Le PSI est le premier domino d’un immense jeu européen et mondial. Dans un premier temps cet effacement de dette qui fait perdre 70% de leur mise aux banques et risque d’en fragiliser certaines, devrait “redonner des marges de manoeuvre budgétaire à la Grèce”, estime une source proche des négociations.

Le pays est étouffé par le service de sa dette, et par la récession qui s’est accrue depuis quatre ans, notamment en raison des mesures d’austérité dictées par ses créanciers publics.

Le PSI porte sur un échange d’obligations dont la valeur faciale sera réduite de moitié. Il doit fixer la maturité des nouveaux titres émis (20 ou 30 ans), le taux d’intérêt à payer par la Grèce (probablement autour de 4%), ainsi que le statut légal des nouveaux titres (certainement de droit britannique).

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ènes (Photo : Louisa Gouliamaki)

A plus long terme, l’opération est destinée à montrer aux marchés que la zone euro est “capable de discipline et de solidarité” face à ceux qui spéculent contre la monnaie unique, a indiqué la même source.

Car pour la première fois un pays membre de l’euro est menacé de faillite.

Et pour la première fois de l’histoire financière, des banques ont accepté volontairement de négocier une restructuration de dette avant même que leur débiteur ne soit acculé à la cessation de paiement.

Sans accord, la Grèce pourrait être en situation de défaut incontrôlé dès le 20 mars, date à laquelle 14,5 milliards d’euros d’obligations arrivent à échéance.

Une faillite mettrait en danger le système financier international. “Si nous laissons la Grèce s’effondrer, nous ouvrons une boite de Pandore” a dit le patron de la Deutsche Bank et président du lobby bancaire mondial IIF qui mène les négociations du côté des banques, Joseph Ackermann, arrivé à Athènes samedi soir.

La deuxième négociation est tout aussi hors norme: l’octroi d’un prêt de 130 milliards d’euros par la zone euro, BCE et FMI, après celui de 110 milliards accordé en mai 2010.

En échange, les créanciers exigent de la Grèce qu’elle réforme les structures de son économie pour la rendre plus compétitive. Ils demandent aussi des privatisations, promises et jamais réalisées.

Et là, le plus dur reste à faire. Car les réformes, notamment sur le marché du travail, sont très impopulaires. A part les retraites, aucune des réformes lourdes préconisées dans le premier plan n’a vraiment été réalisée, l’essentiel des économies budgétaires ayant été obtenues dans l’urgence par des coupes dans les salaires des fonctionnaires et des hausses d’impôt qui étranglent la population, laminent les classes moyennes et attisent la récession.

Le chef de file de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker, a haussé le ton samedi.

“Si nous devions constater que tout va à vau-l’eau en Grèce, alors il n’y aurait pas de nouveau programme” de refinancement du pays pour lui permettre d’honorer ses dettes, a-t-il averti. “Cela signifierait une faillite en mars”, a-t-il ajouté.