De Tera 100 à Curie, un supercalculateur français peut en cacher un autre

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évrier 2012 à Bruyères-le-Châtel, près de Paris (Photo : Eric Piermont)

[06/02/2012 09:00:47] BRUYERES-LE-CHATEL (France) (AFP) Le supercalculateur Curie, dédié aux applications civiles, va surpasser en juin son petit frère Tera 100, machine la plus puissante d’Europe à usage militaire, attestant du coup de collier donné par la France pour rattraper son retard dans le domaine.

Deux fois par an, en juin et novembre, les ordinateurs les plus puissants du monde se soumettent à la classification de référence Top500: lors des trois derniers tests, Tera 100 s’est imposé comme le leader en Europe et parmi les dix premiers au monde.

Cette machine, issue d’une collaboration entre l’informaticien Bull et le Commissariat à l’énergie atomique, “a passé en novembre 2010 la barre du pétaflop, soit du million de milliards d’opérations par seconde”, explique à l’AFP Jean Gonnord, chef de projet Simulation numérique et informatique du CEA, lors d’une visite du site de Bruyères-le-Châtel (région parisienne) où est basé Tera 100.

“Imaginez que l’ensemble des être humains fassent chacun une opération par seconde sur une calculette pendant 52 heures: Tera 100 le fait en une seule seconde”, détaille-t-il.

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évrier 2012 à Bruyères-le-Châtel, près de Paris (Photo : Eric Piermont)

Le supercalculateur est composé de plus de 4.300 ordinateurs interconnectés, “chaque serveur étant équipé de quatre processeurs Intel tout à fait standard”, souligne Sophie Houssiaux, directeur de projet R&D chez Bull, qui conçoit les serveurs et fournit les logiciels de Tera 100.

Dans des locaux ultrasécurisés où seules quelques dizaines de personnes sont autorisées à pénétrer, des armoires renfermant les serveurs clignotent dans le bourdonnement constant des climatiseurs.

Sous leur design très moderne figurant des neurones en métal, les portes de chaque armoire intégrent un circuit d’eau destiné à refroidir la masse de chaleur produite par les serveurs.

Comme sur les autres sites du CEA, “nous appliquons les règles de secret défense et nos activités sont classifiées”, résume Charles Lion, directeur du programme Simulation, qui explique également que Tera 100 n’est pas relié à internet pour des raisons de sécurité.

“La machine est entièrement dédiée à la Défense et simule le fonctionnement de l’arme nucléaire dans les moindres détails. Son contrôle complet monopolise un millier de serveurs pendant un mois. Il faut chaque année garantir au chef de l’Etat que les armes de dissuasion nucléaire fonctionnent”, indique M. Lion.

“Nous travaillons aussi sur les armes futures comme la +tête nucléaire océanique+” qui équipera les missiles M51 dès 2015, ajoute-il.

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évrier 2012 à Bruyères-le-Châtel, près de Paris. (Photo : Eric Piermont)

Mais en juin, lors du prochain Top500, “notre nouveau supercalculateur Curie devrait dépasser Tera 100, avec une puissance prévue de 1,3 pétaflops”, indique Jean Gonnord.

Baptisé en hommage au couple de chercheurs Pierre et Marie Curie, le nouveau projet associant encore Bull et CEA sera dédié au civil (chimie, médecine, climatologie etc.). Mis en service il y a quelques mois, il monte progressivement en charge aux côtés de Tera 100.

La puissance de ce dernier va également être augmentée de “20 à 30 fois” d’ici fin 2014 dans le cadre du projet Tera 1000.

“Cela fait bien sourire quand on pense qu’en 1981, notre supercalculateur avait une mémoire inférieure à celle d’un ordinateur portable actuel. C’était une machine américaine et les autorités nous avaient imposé un embargo de livraison de 8 mois en rétorsion au fait que François Mitterrand avait pris des ministres communistes dans son gouvernement”, a souligné M. Gonnord.

A Paris, la Cité des Sciences et de l’industrie inaugure mardi la troisième édition de son Observatoire des innovations notamment consacrée au “monde des supercalculateurs”.