TVA sociale et hausse des prix : le gouvernement contredit par les économistes

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é français (Photo : Philippe Huguen)

[06/02/2012 15:09:45] PARIS (AFP) Nicolas Sarkozy et le gouvernement jurent leurs grands dieux que la TVA sociale sera sans effet ou presque sur les prix et donc indolore pour les consommateurs mais les économistes, instruits par les précédents allemand ou britannique, anticipent un regain d’inflation.

Une hausse des prix ? “Je vous l’ai dit, je n’y crois pas”, déclarait le chef de l’Etat après avoir annoncé le 29 janvier dans une interview multi-diffusée que le taux normal de la TVA serait porté de 19,6% à 21,2% à compter du 1er octobre.

Premier argument avancé par Nicolas Sarkozy: “la concurrence est telle que le risque d’inflation n’existe pas”. Le pari serait que les entreprises, bénéficiant d’un allègement de leurs charges en contrepartie de la hausse de la TVA, – le principe même de la “TVA sociale” -, ne répercuteraient pas cette hausse sur leurs clients pour préserver leurs parts de marché.

“Le gouvernement estime que l?augmentation de 1,6 point de TVA n?aura pas d?impact significatif sur les prix”, confirme une “évaluation préalable” jointe au collectif budgétaire qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres et dont l’AFP a obtenu copie.

Second argument du président de la République: l’Allemagne a augmenté de trois points sa TVA au 1er janvier 2007 sans “aucune augmentation des prix”. Ce point est discutable. Les prix à la consommation en Allemagne n’avaient progressé que de 1,7% en 2006. Dans la foulée de la hausse de TVA, l’inflation a atteint 2,3% en 2007 et 2,7% en 2008.

Pour les Français, la cause est entendue. Près des trois quarts d’entre eux (73%) se disaient persuadés au lendemain des annonces présidentielles que la TVA sociale “provoquera une hausse des prix à la consommation” et 69% qu’elle “pèsera davantage sur le pouvoir d’achat des personnes peu aisées financièrement que sur celui des riches”.

Patrick Artus, chef économiste de la banque Natixis, rejoint l’avis général sur la première proposition mais conteste la seconde.

“En parlant aux entreprises, le message que nous entendons, c’est: +nous avons besoin de redresser nos marges bénéficiaires+”, explique-t-il, relevant qu’elles sont “basses, en particulier dans l’industrie”. Les relèvements de la TVA en Allemagne en 2007 ou au Royaume-Uni en 2011 “se sont traduites dans les deux cas par des hausses de prix”, souligne-t-il aussi.

Sur le second point en revanche, son avis diverge avec celui de la majorité des Français mais aussi de l’opposition et des syndicats qui dénoncent une “TVA anti-sociale”.

Les revenus les plus faibles, RSA ou SMIC, sont indexés sur l’inflation, fait valoir Patrick Artus. La TVA sociale affecterait ainsi davantage les classes moyennes et les revenus du capital.

Alain Trannoy, de l’Ecole des hautes études en sciences sociale (EHESS), est à peu près sur la même ligne, estimant qu’à “moyen terme, la hausse des prix sera compensée pour les smicards”. Il faudra cependant plusieurs mois de recul, selon lui, pour en jauger les effets, lorsque l’impact aura été chiffré poste par poste.

L’économiste anticipe un surcroît d’inflation qu’il situe “dans une fourchette de 0,5 et 1,3 point”, soulignant toutefois que d’autres facteurs pèseront au moins aussi lourd dans l’équation comme l’évolution de la parité euro/dollar et des cours du pétrole.

Le paradoxe, souligne-t-il, est que le gouvernement ait anticipé l’annonce d’une augmentation de la TVA dans l’espoir de donner un coup de pouce à la consommation, l’idée étant que les consommateurs anticiperaient une hausse des prix. “C’est comme si le gouvernement s’attendait à ce que les Français ne croient pas à sa prévision de stabilité des prix”, observe-t-il.