La déclaration qui choque venait, bien entendu, d’une femme, et pas n’importe laquelle, Madame la ministre des Affaires de la Famille et de la Femme. Elle affirme, dans un premier temps, que le mariage «orfi» est une question de liberté individuelle, mais elle se rétracte par la suite.
Après la politique consensuelle, la Tunisie plongera-t-elle dans le mariage consensuel? Le phénomène, selon certaines sources, commence à se propager dans les milieux universitaires au risque de faire sombrer le pays dans une orgie où l’on ne sait plus qui couche avec qui.
Le tourisme et le sexe ont toujours fait bon ménage. La Tunisie, même si certains conservateurs estiment que le pays l’est, n’a jamais été une destination de tourisme sexuel proprement dit comme le sont catégorisées bien d’autres destinations. La Tunisie n’a pas été assez permissive pour certaines clientèles et demandes.
Cependant, la pauvreté qui frappe le pays est un lit idéal pour son développement. Aux pouvoirs publics de faire attention à un fléau qui pourrait vite se propager si l’on ne prend pas les mesures nécessaires.
Dalenda Lagrèche, historienne et directrice du Centre d’études, de recherches et d’informations de Tunis, explique que ce phénomène, disparu depuis les années 1970, revient en force aujourd’hui à cause des mauvaises conditions sociales dans lesquelles vivent certaines Tunisiennes notamment. Selon elle, cette pratique est le symbole d’une soumission de la femme en échange d’une prise en charge financière.
Ce fléau reviendra assurément en force si l’on en parle en termes de “libertés individuelles” (sic) et que l’on ferme les yeux sur des pratiques encore éparses et singulières. Pour reprendre les propos de Kalthoum Meziou, juriste spécialisée en Droit international privé et ancienne doyenne et professeure à la Faculté des sciences juridiques et politiques de Tunis, cette balle d’essai est une «remise en question de tous les acquis de la famille tunisienne puisqu’il s’agit-là d’une première attaque frontale du Code du statut personnel entraînant nécessairement dans son sillage d’autres atteintes».
Qu’est-ce qu’un mariage «orfi»?
Le mariage en droit musulman peut prendre plusieurs formes: le «orfi», le «motaa», le «waktii», le «charri». Le mariage musulman est un contrat purement consensuel, seule la présence de deux témoins est exigée au moment de l’échange de consentement entre le futur époux et la future épouse ou son représentant.
Dans certains pays, le mariage «orfi» est une vraie motivation de voyage. En effet, certaines clientèles recouvrent d’un voile religieux leurs relations hors mariage profitant ainsi de la crédulité de jeunes filles. Sans s’étaler sur les répercussions de ces mariages sur les enfants à naître, la femme n’a bien entendu plus aucun droit ni aucune protection.
Qu’en est-il en Tunisie?
La loi du 1er août 1957 réglementant l’Etat civil exclut le mariage «orfi». Après la promulgation du Code du statut personnel, le législateur intervient le 4 juillet 1958 par une loi interprétative pour expliquer que le mariage «orfi» qui suit un mariage célébré en la forme légale constitue un cas de bigamie tombant sous le coup de la loi pénale. Le 20 février 1964 une autre loi sanctionne les hypothèses de polygamie. Depuis, toute union qui n’est pas conclue conformément aux dispositions de la loi est nulle et sanctionnée pénalement (art. 36 de la loi du 1er août 1957 réglementant l’Etat civil).
Le législateur fait ainsi de l’exigence de l’acte authentique le rempart contre un retour à la polygamie, rempart qui s’effondrerait avec le retour (éventuel) du mariage coutumier.
Avec les nouvelles pratiques et mentalités qui tendent à se développer et face à ce que l’on nomme hypocritement les «libertés individuelles», sommes-nous devant des incitations pour le lancement d’un nouveau produit touristique à forte valeur ajoutée? Rappelons que ce sont les enfants issus de ses unions que le parti au pouvoir s’est empressé de qualifier de «laquit» via une de ses autres porte-voix, Souad Abderahim, élue d’Ennahdha à l’Assemblée constituante tunisienne.
De là à ce que des charters pleins à craquer fassent des allers et retours sur la destination tunisienne, il y a encore de la marge. La société civile se mobilise et les femmes fortement convaincues et acquises à leurs droits aiguisent leurs armes. Elles refusent ce genre de retour en arrière qui porte atteinte à leurs dignités et à celle de leurs enfants.
Si certaines destinations ont fait fortune dans l’organisation des mariages, d’autres ont misé sur le tourisme des mariages temporaires. Des milliers de clients, surtout arabes, viennent passer leurs vacances pour consommer un mariage «hallal». Ils disparaissent ensuite dans la nature, laissant derrière eux le fruit de quelques nuits d’amour et une femme désemparée ne sachant quoi faire de sa vie ni de l’enfant à naître.
Avec l’institution des mariages temporaires (chiites) ou sans obligations (sunnites), du coup le tourisme sexuel “islamiquement correct“ (halal) pourrait devenir possible en Tunisie. Ailleurs il connaît une vogue grandissante.