Le secteur du “private equity” vedette involontaire de la campagne américaine

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épublicaines aux Etats-Unis, Mitt Romney, le 7 février 2012 à Loveland, dans le Colorado (Photo : Emmanuel Dunand)

[09/02/2012 08:44:17] NEW YORK (AFP) Le secteur du “private equity”, ces sociétés d’investissement qui rachètent des sociétés en difficulté pour les redresser ou les démanteler, se retrouve malgré lui au coeur de la campagne présidentielle américaine alors que le candidat républicain Mitt Romney lui doit sa fortune.

Alors que l’emploi et l’économie encore convalescents aux Etats-Unis sont les principaux thèmes de la campagne, les adversaires de Mitt Romney ont tôt fait de le dépeindre comme un tueur d’emplois sans coeur, en référence au fonds d’investissement Bain Capital, qu’il a co-fondé et dirigé pendant 14 ans.

Les primaires républicaines “ont remis le +private equity+ et les fonds spéculatifs (hedge funds) sous les projecteurs”, remarque Greggory Warren, analyste de la maison de recherche Morningstar.

Avec en ligne de mire le taux d’imposition du candidat, qui possède une fortune évaluée à 250 millions de dollars mais dont les revenus 2010 ont été taxés à 15% seulement, alors que les revenus sont en général imposés autour de 30% aux Etats-Unis.

La feuille d’imposition de M. Romney, qui bénéficie d’un dispositif fiscal favorable à l’investissement, “est un bon exemple de la réforme de la fiscalité dont nous avons besoin”, a ainsi déclaré un conseiller du président Barack Obama, David Plouffe.

Les attaques sont encore plus virulentes au sein du parti républicain: le principal opposant de Mitt Romney, Newt Gingrich, a ainsi diffusé un spot de campagne accusant les groupes comme Bain Capital de transformer le rêve américain en “cauchemars”.

Cela “soulève des questions sur la raison pour laquelle ces dirigeants ne paient que 15% d’impôts (..), comparé à l’impôt sur le revenu des Américains moyens”, et il pourrait s’avérer “plus difficile pour eux” de maintenir un statu quo, estime Greggory Warren.

Le secteur a déjà eu à subir des vagues de mauvaise presse depuis une série de rachats hostiles comme celui de RJR Nabisco dans les années 80, et a été dépeint au vitriol dans un livre célèbre, “Les barbares sont aux portes” (Barbarians at the gate, de Bryan Burrough and John Helyar).

Les récentes salves de critiques ont toutefois inquiété suffisamment les leaders du secteur pour qu’ils lancent une campagne de communication, “Private Equity at Work” (“le secteur du private equity au travail”), par l’intermédiaire de son lobby, le Private Equity Council.

Le secteur “a investi plus de 140 milliards de dollars dans l’économie américaine rien qu’en 2011, et il génère de la croissance et des emplois dans tous les Etats américains”, plaide le site internet de cette campagne (www.privateequityatwork.com).

Il défend aussi le traitement fiscal du secteur, “qui vise à encourager la croissance” car les revenus tirés de ces investissements “dans des activités pendant des années portent un risque (…) Ce n’est pas la même chose qu’un revenu ordinaire”, argumente-t-il.

“Cela nous navre tous, nous qui faisons chaque jour de notre mieux pour les investisseurs et l’économie, d’entendre ces attaques brutales et politiquement biaisées à la fois inexactes et injustes”, a pour sa part déploré Tony James, directeur exécutif du fonds Blackstone, lors d’une conférence d’analystes.

Il reconnaît qu’il y a “inévitablement quelques transactions qui ne vont pas marcher, avec des conséquences négatives pour leurs investisseurs et les communautés concernées” mais que ces “exceptions fournissent un terreau anecdotique pour les attaques politiques”.

Pour David Robinson, professeur à Duke University, la plupart des attaques vont rapidement “disparaître car elles sont sans fondement. Il n’y a pas de preuve que le secteur détruise des emplois, il est plutôt neutre à ce sujet, il n’y a pas de preuve qu’il détruise des entreprises”.

En revanche, l’imposition des revenus du secteur “va rester un sujet de conversation politique pour les six prochains mois”, prévoit-il.