Redevenue un eldorado –comme elle l’a été par le passé, notamment dans les années 80-, la Libye suscite, de par ses énormes besoins en matière de développement économique, l’appétit d’entreprises des quatre coins du monde. Les tunisiennes et les françaises n’échappent à la règle. En Tunisie et en France, des acteurs économiques veulent même tester la faisabilité d’un partenariat tripartite –tuniso-franco-libyen- pour se positionner dans la course aux projets que la Libye va initier dans le cadre de sa reconstruction et de son développement économique et social.
Il s’agit en l’occurrence du Centre de promotion des exportations (CEPEX) et la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI), de côté-ci de la Méditerranée; Ubifrance, de l’autre, qui ont organisé, jeudi 2 février 2012, un séminaire sur «les partenariats tuniso-français pour le marché libyen». Mais une telle approche est-elle possible ?
Abdellatif Hamam, président-directeur général du Cepex, pense qu’il faut réfléchir sur ce que «nous pouvons faire ensemble» et sur la manière de «développer des synergies face à la concurrence». L’ambassadeur de France en Tunisie est quant à lui beaucoup plus formel. Boris Boillon est en effet convaincu de la «grande pertinence» de la réflexion sur ce sujet. Pour au moins trois raisons.
D’abord, «sur le plan politique et stratégique ont la confiance des autorités et du peuple libyen, car les gouvernements et les peuples tunisien et français les ont soutenus durant l’épreuve» de la lutte contre le régime kadhafiste». En conséquence, «les trois pays ont développé une vraie amitié», estime le diplomate français.
Le partenariat envisagé est, ensuite, pertinent parce qu’il est déjà effectif, pour les Tunisiens et les Français, dans les domaines économique et social. Donc, «le dynamisme des relations tuniso-françaises est un atout pour aller explorer ensemble le marché libyen qui est compliqué».
Enfin, les deux parties ont, estime l’ambassadeur de France, des atouts complémentaires de nature à faciliter cette approche: «la connaissance du dialecte et de l’environnement libyens» pour les Tunisiens; «l’expertise, les capacités logistiques, et des moyens de financement à mettre à la disposition des grands projets» pour les Français.
Outre l’agroalimentaire, l’énergie, l’eau, l’environnement, etc., l’ambassade de France verrait bien un partenariat tuniso-français se déployer en Libye dans le secteur de la formation dans lequel son pays a déjà mené des actions en faveur de la Tunisie –en y investissant 30 millions d’euros qui ont notamment servi à ouvrir des centres de formation professionnelle.
Abondant dans le même sens, Fouad Lakhoua, président de la CTFCI est convaincu que «les grands groupes français pourraient remporter plus de contrats en travaillant avec des Tunisiens». Idem pour les PME et les PMI françaises qui «ne pourront pas aborder le marché libyen seules, en raison des différences culturelles».
Mais si elle est jugé utile, la compréhension qu’ont les Tunisiens des Libyens et de l’environnement dans leur pays pourrait ne pas suffire comme base d’un partenariat tuniso-français en direction de la Libye. «Le partenariat tunisien doit apporter un vrai savoir-faire et pas seulement le savoir-faire culturel», souligne Jacques Torregrossa, directeur d’Ubifrance Tunisie, qui apporte un autre bémol –pour ne pas dire qu’il jette un pavé dans la marre- en rappelant que «les Libyens préfèrent travailler en direct avec les Tunisiens et les Français». Donc, qu’ils acceptent de changer leurs règles du jeu et s’engager dans un partenariat tripartite est loin d’être garanti.