L’Espagne veut assouplir son marché du travail face à un chômage galopant

photo_1328865067336-1-1.jpg
à Marbella, en Espagne, le 27 janvier 2012 (Photo : Jorge Guerrero)

[10/02/2012 09:14:38] MADRID (AFP) L’Espagne approuve vendredi une nouvelle réforme pour assouplir son marché du travail, espérant mettre fin à la hausse vertigineuse du chômage, avec un taux record dans le monde industrialisé et le double de la moyenne européenne.

C’est le troisième grand chantier du nouveau gouvernement conservateur, qui a pris ses fonctions fin décembre et tente désormais de redresser un pays empêtré dans la crise.

Après la réforme budgétaire, pour parvenir à un déficit zéro en 2020, après celle du secteur bancaire, pour le nettoyer de ses mauvais actifs immobiliers, il s’attaque à un autre point faible de l’économie espagnole: le chômage, qui touchait 22,85% de la population active fin 2011.

Un taux trois fois plus élevé qu’en 2007, quand il avait chuté à son plancher historique de 7,95%, grâce à la bulle immobilière.

“Nous avons détruit une grande quantité d’emplois très rapidement, en partant d’une situation de quasi-plein emploi entre 2007 et 2008, et en arrivant très vite à des taux de chômage très élevés”, commente Javier Velazquez, professeur d’économie à l’université Complutense de Madrid.

“Nous sommes revenus presque vingt ans en arrière”, ajoute-t-il, “et nous devrions avoir du mal à revenir sous les 10% avant une décennie”.

Pour les experts, l’éclatement de la bulle en 2008 n’est pas la seule explication à ce retournement de situation: “le marché du travail espagnol est défaillant”, tranche Javier Diaz-Giménez, économiste à l’IESE Business School.

“La première raison pour laquelle c’est compliqué de créer des emplois en Espagne, c’est parce que cela coûte trop cher de licencier”, estime-t-il.

photo_1328865108429-1-1.jpg
à Burgos, en Espagne, le 27 janvier 2012 (Photo : Cesar Manso)

La Banque d’Espagne, l’UE et le FMI, qui s’inquiètent de ce chômage galopant, surtout chez les jeunes (où le taux grimpe à 48,6%), pressent l’Espagne de réformer au plus vite son marché du travail, jugé trop rigide.

En réalité, estime Rafael Domenech, analyste à l’institut BBVA Research, “ce que nous devons corriger c’est la très forte dualité du marché, avec une partie très rigide”, les employés en contrat fixe, qui ont une négociation collective difficile à modifier et des indemnités de licenciement élevées, “et une autre partie très flexible, à 180 degrés de la première”, les employés temporaires, très peu protégés, donc en situation précaire.

Il faut “rendre plus flexible la négociation collective et essayer de rapprocher le coût de licenciement entre les travailleurs permanents et temporaires”, renchérit Raul Ramos, professeur à l’université de Barcelone.

Le ministre de l’Economie Luis de Guindos a donné jeudi quelques indices sur la réforme, surpris par un micro à Bruxelles en train de dire au commissaire européen Olli Rehn: “demain nous allons approuver la réforme du travail et vous allez voir qu’elle sera extrêmement agressive, avec beaucoup de flexibilité dans la négociation collective et une réduction des indemnités de licenciement”, déjà abaissées dans une première réforme en 2010.

Il s’agit aussi de limiter le nombre de contrats temporaires et de favoriser la formation et la flexibilité au sein de l’entreprise, avait indiqué mardi la ministre de l’Emploi Fatima Banez.

En amont, syndicats et patronat ont déjà noué un accord de modération salariale pour 2012-2014, limitant la hausse à 0,5% en 2012, puis 0,6% en 2013 et 2014.

“Cette réforme va me coûter une grève générale”, confiait récemment le chef du gouvernement Mariano Rajoy, également surpris par un micro à Bruxelles.

Les syndicats, en effet, sont déjà remontés: face une vague de rigueur sans précédent dans l’ensemble des régions espagnoles, la grogne sociale ne cesse de s’amplifier, avec une grande manifestation presque chaque semaine.

Des dizaines de milliers de fonctionnaires ont encore défilé mardi à Madrid, et un nouveau rassemblement est convoqué vendredi soir.