On l’a compris dès le début: Moncef Marzouki n’aime pas les palais, surtout ceux hantés par le souvenir de son prédécesseur, Ben Ali. Aussi, il n’a pas hésité un seul instant, une fois installé dans le fauteuil de président de la République, à décider d’en vendre trois. D’autant qu’il compte utiliser le fruit de la cession pour la bonne cause: venir en aide aux régions défavorisées. Mais est-ce là une bonne idée? Probablement non, pour diverses raisons.
D’abord, les besoins des régions de Tunisie laissées pour compte sont si énormes que le produit de la vente des palais présidentiels ne sera qu’une goûte d’eau dans un océan.
Ensuite, ces biens sont porteurs d’un pan de la mémoire nationale et, en tant que tels, ne peuvent pas être mis sur le marché comme un vulgaire objet dénué de sens et de vie. D’ailleurs, il nous suffit de regarder autour de nous ou beaucoup plus loin pour réaliser la vente de demeures et autres palais ayant été occupés par des rois ou présidents, fussent-ils des dictateurs sanguinaires, n’est pas une pratique largement répandue –pour ne pas dire qu’elle n’existe pas.
Pas loin de nous, en France, le Château de Versailles, qu’occupèrent Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, s’élève encore altier et n’a pas été vendu. Idem en Iran où, après la révolution, les palais du Shah ont été bien conservés et figurent parmi les monuments que les Iraniens font le plus visiter à leurs hôtes étrangers. Et on peut multiplier les exemples à l’infini.
Enfin, vendre les palais présidentiels est une vraie fausse bonne idée, parce qu’en dépit du coût de leur entretien, ces biens immobiliers ne constituent pas un fardeau mais un actif dont on peut faire meilleur usage et fructifier pour venir en aide aux régions n’ayant pas eu leur part du gâteau du développement national. Et la meilleure preuve que ces palais peuvent servir à créer de la richesse, c’est qu’à peine l’idée de les vendre lancée, Walt Disney s’y serait intéressé, d’après l’un de nos confrères.
Alors, que faire des trois palais jadis occupés par Ben Ali et sa famille et que le président Marzouki voudrait vendre? On peut transformer le plus stylé et le plus approprié d’entre eux à ce genre d’activité en un hôtel de charme, où l’on proposerait aux clients fortunés de plonger l’espace d’un séjour dans le monde de Ben Ali et, pourquoi pas, de dormir dans son lit.
On choisira le plus vaste pour l’aménager –mais tout en préservant le caractère- en centre de congrès, foires et salons digne de ce nom, c’est-à-dire de standing international –on n’en a pas, malheureusement, à ce jour- couplé à un hôtel là aussi haut de gamme.
Enfin, le troisième et dernier palais pourrait être transformé en musée de la révolution qui, avec les deux autres unités, pourrait offrir matière pour la commercialisation d’un «Ben Ali Tour» permettant aux touristes tant tunisiens qu’étrangers de faire, pendant un jour ou deux, une incursion dans le monde de l’ancien président. On est là en plein tourisme culturel, une activité dont on parle depuis des années, mais sans avoir pu jusqu’ici la lancer réellement dans notre pays.
En faisant tout cela, on aura beaucoup plus de moyens financiers à mettre à la disposition des régions défavorisées.
– Tous les articles sur