Avenir énergétique : choisir les énergies, oui, mais comment consommer moins?

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ouest de la France (Photo : Damien Meyer)

[13/02/2012 16:36:40] PARIS (AFP) “Myopie”, voire “manipulation” ? Un rapport sur l’avenir énergétique de la France publié lundi s’intéresse beaucoup à la façon de produire de l’électricité, en plaidant pour le nucléaire, mais ne donne pas les clés pour moins en consommer, déplorent les tenants de la sobriété.

Au-delà de la question sur la part du nucléaire dans la production d’électricité, au coeur des débats électoraux près d’un an après l’accident de Fukushima, au Japon, la question de l’énergie dépend beaucoup du niveau de consommation dans les décennies à venir, rappellent certains experts.

“Faire de la sobriété et de l’efficacité énergétique une grande cause nationale” : l’injonction figure certes au premier rang des huit recommandations de la commission “Energies 2050” mise en place par le gouvernement.

Le rapport rappelle que la France a adopté une trentaine de mesures d’économies d’énergie fin décembre et pourrait en consommer jusqu’à 21,4% de moins à l’horizon 2020.

“Mais on se débarrasse du problème en disant que c’est essentiel, et on ne fait aucune analyse sérieuse des possibilités de réduction”, fustige Thierry Salomon, président de négaWatt, une association de spécialistes de l’énergie dont le souci premier est de moins consommer de “watts”.

“Avoir une vraie transition énergétique, c’est intéresser à l’ensemble des évolutions de la société. Là, nous n’avons aucune vision globale, c’est un rapport de myopes”, ajoute-t-il au sujet du travail de la commission.

NégaWatt a présenté en septembre un scénario énergétique 2011-2050 qui chiffrait à quelque 60% les possibilités d’économies d’énergie grâce à une “sobriété” des usages et une meilleur rendement des appareils. Réduire ainsi la demande permettrait, selon cette ONG, de se passer de nucléaire d’ici 2033 pour utiliser quasi-exclusivement des sources renouvelables.

“Révolution sociétale”

Une baisse drastique de la consommation jugée “pas forcément très réaliste” par les experts de la commission “Energies 2050”, qui ont estimé dans leur rapport que négaWatt “met en oeuvre une véritable révolution sociétale”.

A l’exception de ceux de négaWatt et de Global Chance, association d’experts spécialisée sur l’environnement, “les différents scénarios prévoient une évolution de la consommation d’électricité relativement similaire, mais majoritairement en hausse”, écrit la commission qui a examiné les perspectives d’ONG mais aussi d’organismes officiels et de producteurs d’électricité.

“La réduction de la demande est une variable à mieux documenter dans le futur”, précise la commission.

L’économiste Benjamin Dessus, spécialiste des questions d’énergie, voit dans les conclusions de la commission une “manipulation” visant notamment à éluder la question des économies d’énergie, alors qu’il s’agit “d’une composante majeure des stratégies alternatives à la stratégie de poursuite du nucléaire”.

“Si vous décidez par avance que l’offre et la demande ne peuvent qu’augmenter, le nucléaire est effectivement bien placé, mais ce n’est plus vrai si vous commencez à faire des économies”, assure le président de Global Chance, en citant notamment les efforts d’économies réalisés en Allemagne.

“Nous sommes loin de nous limiter au nucléaire et à l’électricité”, a assuré Claude Mandil, vice-président de la commission.

“Nous avons dit clairement que le principal gisement de la consommation d’énergie était dans le domaine du bâtiment et dans le domaine des transports”, a ajouté l’ex-directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).