«Depuis janvier 2011, nous n’avons pas observé une amélioration notable de la situation économique du pays. Attaquée avec les perturbations dues à la situation postrévolutionnaire, l’état de Tunisie, malgré des signes positifs remarqués courant troisième trimestre, a vite fait de devenir préoccupant à partir du quatrième trimestre 2011». C’est ce que nous a récemment déclaré un haut responsable de la Banque centrale de Tunisie.
Un redécollage économique qui s’annonce délicat avec une crise internationale qui s’installe, peu d’espoir pour une croissance à l’échelle européenne, une instabilité sociale et un contexte sécuritaire approximatifs.
Début 2011, la BCT avait déjà attiré l’attention sur l’importance de la maîtrise de la situation sociale et sécuritaire pour remettre à flot l’économie. Et alors que l’on s’attendait à ce que les résultats des élections rassurent et permettent une plus grande visibilité du paysage politique et socioéconomique du pays afin de récupérer la confiance des investisseurs, nous avons assisté à un retour de manivelle. Le flottement qui a précédé la désignation du nouveau gouvernement par la Constituante, conjuguée à une dégringolade sécuritaire, n’ont pas vraiment aidé à une réamorce économique ou à rassurer les investisseurs domestiques et internationaux.
«Les choses sont devenues plus compliquées. La réalité du terrain a évolué et pas forcément dans le bon sens. Il faut toutefois distinguer la dimension économique de celle financière. L’économie va mal, pas d’investissement, pas de grands projets de développement, les performances ont baissé et la conjoncture reste délicate. Sur le plan financier, nous arrivons jusqu’à aujourd’hui à gérer tant bien que mal. Nous avons terminé 2011 avec un déficit budgétaire de 3,9%. Le système bancaire continue à être irrigué, il assure le financement de l’économie et l’année s’est terminée avec un accroissement des crédits de l’ordre de 14%», nous indique-t-on à la BCT.
a Banque centrale pourrait continuer à user aussi efficacement de tous ses instruments d’intervention financière? Ou commencerait-elle à s’essouffler alors que le secteur privé trouve pesante la frilosité croissante du secteur bancaire?
Le soutien aux entreprises a un coût, le rythme d’appui aux entreprises privées risque de ralentir. Il n’est pas sûr que la performance de 14% de croissance de crédits accordés soit renouvelée en 2012 en l’absence de la perte de confiance des épargnants et la rareté des ressources bancaires en liquidité.
«Il ne revient pas seulement à la BCT de statuer en matière d’économie et il ne dépend certainement pas d’elle uniquement qu’elle redémarre. Le retour de la confiance, la stabilité sociale, la clarté du processus politique et l’établissement d’une feuille de route pour les prochains mois seraient de nature à éclaircir les horizons des entrepreneurs et des investisseurs».
Pour aider les banques, la BCT est contrainte d’injecter des liquidités dans le circuit financier mais cela ne peut continuer indéfiniment et ne suffira certainement pas à satisfaire les demandes croissantes des opérateurs qui se plaignent d’un manque de réactivité et vont jusqu’à dire que les banques – surtout publiques- sont dans l’incapacité d’assurer leur rôle.
«C’est dû au marasme économique dans lequel nous vivons, vous avez un taux de dépôts qui n’a augmenté que de 5% avec un taux de crédits de +14%, le déséquilibre est flagrant».
Les banques publiques vivent les mêmes difficultés que les privées, la STB en est la parfaite illustration avec un lourd portefeuille qui traîne depuis des années. Pour y parer, la BCT est en train d’étudier nombre de solutions pour renforcer les capacités de la STB et celles des banques publiques. Des emprunts obligataires ont été contractés pour renforcer les ressources de la banque et des mesures sont en train d’être étudiées pour rétablir ses équilibres financiers.
«Toutefois, il faut comprendre que les décisions pour la remise à flot des banques publiques en difficultés doivent se faire dans la sérénité tout comme la refonte du secteur bancaire lui même. Avec tous les urgences auxquelles nous faisons face, les priorités deviennent autres».
Le budget complémentaire qui sera bientôt soumis à l’approbation de la Constituante devrait permettre la relance économique. «L’Etat pourrait aller plus dans le déficit budgétaire. L’objectif du gouvernement précédent était de ne pas dépasser -5% de déficit, on a terminé l’année à -4%, le 1% est disponible, la marge existe mais elle n’est pas illimitée.
La Tunisie doit maintenant mobiliser des ressources au national et à l’international pour financer le déficit.
Les prêts bilatéraux et multilatéraux peuvent se faire sans trop de risques malgré les notations des agences de rating qui pèsent de tout leur poids dès que l’on veut lever des fonds sur le marché international. La Tunisie doit pouvoir recourir à des banques de développement comme la BEI, la BERD, la BAD et les banques islamiques, mais indépendamment de tous ces recours, la relance économique restera tributaire de la paix sociale, de la sécurité et surtout de plus de visibilité au niveau des orientations politiques.