Deux grands projets d’industries automobiles prennent bien forme en Algérie et au Maroc. Ces deux projets presqu’ignorés par la presse tunisienne ne peuvent cependant pas ne pas appeler des commentaires.
Deux événements sans doute d’une grande importance sont quasiment passés inaperçus dans la presse tunisienne au cours de la première partie de ce mois de février 2012. Survenus dans l’espace maghrébin, ils ne peuvent que concerner portant de près et dans une certaine mesure la Tunisie.
De quoi s’agit-il? Il s’agit du lancement de deux grands projets dans deux pays frères avec lesquels nous avons des relations historiques séculaires, une communauté de destin et une ambition de construire un lendemain meilleur: l’Algérie et le Maroc.
Les 1er et 2 février, l’ancien Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, s’est rendu, à Alger, en tant qu’émissaire du président Nicholas Sarkosy. Au menu des discussions de Raffarin, notamment avec M. Mohamed Benmeradi, ministre algérien de l’Industrie, l’implantation d’une usine Renault dans la zone franche de Bellara, à l’Est d’Alger. Cette usine (en fait une unité de montage) produira 150.000 véhicules par an, dont la moitié est destinée à l’exportation. Dans cette affaire, Renault France devra ouvrir son portefeuille pour avancer la somme nécessaire lui permettant d’être le principal actionnaire (49%). Les autres actionnaires sont le Fonds National –algérien- d’Investissement (FNI) avec 35% et la Société Nationale des Véhicules Industriels (SNVI) avec 16%.
400.000 véhicules par an
Le second événement est relatif à l’inauguration à Tanger, Nord du Maroc, le 12 février 2012, d’une autre usine Renault, par le roi Mohamed VI, qui était accompagné par Carlos Ghosn, PDG de Renault et Nissan. Présentée comme la plus importante usine automobile située au sud de la Méditerranée, cette usine devra employer 6.000 personnes d’ici 2015; elle représente un investissement de quelque 1 milliards d’euros (presque 2 milliards de dinars tunisiens) et devra produire 400.000 véhicules par an. Un projet tellement colossal qu’il a fait «grincer» bien des dents en France. Un candidat à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, pour ne pas le nommer, a même affirmé, en évoquent le cas de cette inauguration, que «tout ce qui est délocalisé doit être, lorsqu’il revient sur le territoire national, imposé ou taxé de sorte que l’avantage déloyal que représente le dumping social soit annulé”.
Il va de soit que tout Tunisien ne peut être fier des projets algérien et marocain dans la mesure où toute avancée d’un pays du Maghreb renforce les potentialités des pays de cette région. Mais les deux faits étant ce qu’ils sont, ils ne peuvent pas ne pas appeler au moins deux commentaires.
D’abord, la création de ces deux usines n’a pas été décidée ces derniers jours, encore moins depuis le printemps tunisien qui aurait «fait l’affaire», soutiennent quelques uns, de pays voisins notamment le Maroc qui a –il faut le reconnaître- pris une longueur d’avance sur la Tunisie en termes de projets dans la région maghrébine mais aussi arabe. Les usines de Bellara et de Tanger étaient –on s’en doute-, comme le dit l’expression, dans les cartons des ingénieurs de Renault depuis quelque temps: deux à trois ans au moins. Il est connu qu’une entreprise de cette rigueur et de cette taille ne se décide pas au petit bonheur de la chance.
C’est dire ce que l’on nous a dit, il y a quelques années -et que l’on continue malheureusement à nous ressasser quelquefois- sur l’attractivité du site Tunisie n’est pas aussi vrai que cela. L’heure est, donc, aujourd’hui, où les tabous se doivent de sauter, dire que nous ne sommes pas nous autres Tunisiens aussi performants que l’on nous décrit. Des révisions déchirantes se doivent d’être même amorcées et criées sur tous les toits. Et ce à un moment notamment où les Tunisiens ne donnent pas l’impression d’être des durs à la tâche.
Les observateurs scrutent le moindre détail
Le deuxième commentaire découle du premier auquel il est très lié. En effet, quel est l’information –plutôt l’image- que nous offrons au monde au moment où nos deux voisins et frères de l’Ouest font venir de nouveaux IDE (Investissements directs étrangers)? Les faits sont, à ce propos, malheureusement têtus: la presse ne parle que, où presque à côté du froid, de la reprise, le lundi 13 février 2012, de la reprise du travail à l’unité Leoni à Mateur, une unité dépendante de Léoni International, un des plus grands fabricants mondiaux de fils, de câbles et de systèmes de câblage. L’usine aurait fermé ses portes, l’avant-veille, pour «des sit-in répétés et des grèves anarchiques». La presse évoque par la même les efforts inlassables du gouvernement de Hamadi Jebali en vue de colmater les brèches.
Il est à se demander, à ce juste propos, ce que l’on espère en jouant avec le feu dans un environnement marqué par une mondialisation galopante qui n’épargne personne et où tous les observateurs scrutent le moindre indice.