Tunisie : Pour réussir l’entreprenariat, il faut lever les obstacles psychologiques

Par : Tallel


jeradi-gabes-090212.jpgDans l’entretien ci-dessous, Kamil Jeradi dévoile aux lecteurs de
WMC la mission
de l’association de développement qu’il préside, en l’occurrence l’ATUPEE, mais
donne surtout sa vision sur le l’entreprenariat en Tunisie, sans oublier des
conseils pour les jeunes et futurs entrepreneurs

Pour comment, c’est quoi
l’ATUPEE (Association tunisienne de promotion de
l’entreprise et de l’essaimage)?

Kamil Jeradi: C’est une association de développement créée depuis maintenant 5
ans par des membres de différents milieux universitaires, entrepreneurs,
professionnels et consultants en accompagnement d’entrepreneurs. C’est un espace
ouvert dédié à la promotion de la culture entrepreneuriale en Tunisie dans tous
les milieux mais surtout chez les jeunes. D’ailleurs notre slogan pour la
campagne de sponsoring cette année est: DEFI entrepreneuriat jeunesse.

Quelle est sa vocation, sa mission?

Nous avons pour mission de contribuer au développement de l’esprit
d’entreprendre chez les jeunes, à la diffusion du concept d’essaimage en rapport
avec les opportunités de création d’entreprises et d’emplois et au développement
de ses mécanismes. Nous voulons enfin offrir un espace de réflexion et d’échange
d’expérience sur l’essaimage et l’entrepreneuriat pour les intervenants dans les
domaines de production et de service, d’éducation et de formation et de la
recherche scientifique.

Quels sont les programmes?

Le programme d’activité pour 2011/2012 s’articule sur 6 volets:

1-Le développement de partenariats institutionnels et de réseautages

2- Nous organisons un café entreprendre mensuel sur une thématique concernant le
développement de l’entrepreneuriat en Tunisie.

3-Nous développons en partenariat avec le ministère de l’éducation et de la
formation un programme ambitieux de création de clubs entreprendre dans chaque
école primaire, collège et lycée. Nous lançons un concours de meilleurs projets
pédagogiques en entrepreneuriat (3 catégories) et un concours des meilleurs
outils pédagogiques en entrepreneuriat (rédaction d’études de cas en
entrepreneuriat reflétant la réalité de l’environnement économique tunisien).

4- Nous lancerons une expérience pilote de mentorat d’entrepreneurs à Tunis et
dans les régions: des entrepreneurs accompagneront des jeunes promoteurs qui, en
phase de lancement ou de développement, auront besoin de conseils et de mentors
expérimentés pour les aider à démarrer et à développer leur entreprise.

Nous travaillons également au développement de l’essaimage et de programmes de
vulgarisation pour une meilleure connaissance des pratiques de l’essaimage en
Tunisie en plus de promouvoir la culture entrepreneuriale dans la société
civile.

Comment peut-on promouvoir l’entrepreneuriat en Tunisie?

En militant tous les jours. On ne peut pas construire un bel édifice en peu de
temps, c’est un processus lent: on s’intéresse aux personnes et à leur
croissance, on implique les ministères concernés, on sensibilise, on informe, on
forme, on coach enfin on vise la prise en charge du développement économique par
des gens de la région; c’est un projet de société.

Est-ce que l’association a changé après la révolution?

Oui absolument d’abord nous rendons hommage aux martyrs de la révolution qui
nous ont donné plus de liberté de s’exprimer et d’agir ; on est plus à l’aise
pour dire ce qui ne va pas aujourd’hui. Je pense que toute la Tunisie s’est
épanouie et nous verrons les résultats dans quelques années. Nous misons plus
maintenant sur l’implication des élus dans l’appui au développement des
initiatives privées.

Nous espérons qu’il y ait plus de cohérence dans les actions des organismes,
structures d’appui et banques pour plus de gouvernance; nous souhaitons une
participation active des ministères de l’éducation, de l’industrie et de
l’enseignement supérieur. Enfin, nous souhaitons l’appui des médias et surtout
des leaders socio-économiques.

Êtes-vous inspiré du modèle français ou américain?

Nous nous sommes inspirés de la réalité tunisienne: avant de définir notre
mission, nous sommes restés 6 mois à réfléchir sur les besoins de la société et
les actions à entamer; nous apprenons certes des expériences étrangères
(canadienne ou française entre autres), mais nous avons nos spécificités et nos
contraintes.

Les opportunités ou la démarche est similaire: si vous voulez récolter demain,
il faut semer aujourd’hui et l’enjeu est dans nos écoles, ce sont les jeunes qui
formeront la société de demain.

Vos conseils aux jeunes promoteurs?

Il faut croire en eux d’abord. Rêvez en couleurs et agissez ensuite pour
réaliser vos rêves, c’est-à-dire entourez-vous de mentors. Le principe du
mentorat est simple: tout seul vous pouvez aller loin, avec un mentor vous irez
plus loin et plus vite. Ensuite, plongez-vous dans l’eau, vous apprendrez à
nager par la suite; c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Je leur dis aussi,
côtoyez des entrepreneurs car toutes les grandes entreprises aujourd’hui étaient
des petites hier.

Enfin, je leur dis qu’il n’y a pas de limites aux besoins des consommateurs.
Continuez d’entreprendre comme vous l’avez très bien fait le 14 janvier.

Peut-on convaincre un diplômé à la recherche d’un travail de lancer son propre
projet? Y a-t-il des success stories?

Il faut d’abord tester sa motivation, réfléchir au secteur dans lequel on veut
se lancer et surtout lever les obstacles psychologiques. Je dirais aussi qu’un
tiers des emplois dans les pays industrialisés sont des emplois autonomes et
l’avenir est à l’emploi autonome et à la liberté d’entreprendre. Excusez-moi
d’ajouter aussi que celui qui attend de se faire recruter par l’Etat ou par une
banque aujourd’hui n’a rien compris aux tendances et aux changements dans les
économies des pays développés et au marché de l’emploi en Tunisie.

La deuxième partie de votre question concernant les success stories, oui on en
trouve à tous les coins de rue: tous ceux et celles qui se sont plongés dans
l’entrepreneuriat sont des success stories pour moi puisqu’ils sont autonomes,
ils vivent de leurs passions, et finalement entreprendre, c’est se lancer dans
le métier de ses rêves.

Que pensez-vous du futur de l’environnement tunisien pour les nouveaux
entrepreneurs?

Je suis très optimiste, le nouveau gouvernement va se rendre compte très vite
que pour résoudre le problème du chômage, il faut miser sur l’entrepreneuriat en
Tunisie et entreprendre à l’international: les grands groupes doivent se
grouiller et oser y aller pour ensuite entraîner avec eux les jeunes
entrepreneurs. En contrepartie, il faut qu’ils soient soutenus par nos banques
et par l’Etat; les bénéfices d’un environnement favorable aux nouveaux
promoteurs sont d’abord la création d’un nombre important d’entreprises et par
conséquent plus d’emplois, ensuite le développement du potentiel humain et
économique durable.

Il faut miser sur une nouvelle génération d’entrepreneurs capables de relever
les défis de la mondialisation et des changements; il faut certes une
démocratisation de l’entrepreneuriat et le développement des ressources
entrepreneuriales du pays capables de relever les nouveaux défis.