Un chantier colossal dans les Pyrénées pour bâtir l’Europe de l’énergie

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à très haute tension (Photo : Mychele Daniau)

[15/02/2012 17:16:29] LA JONQUERA (Espagne) (AFP) Le chantier d’une nouvelle liaison électrique franco-espagnole a été lancé mercredi dans les Pyrénées, un ouvrage innovant et coûteux qui doit aider la France à faire face à ses pics de consommation d’électricité en hiver et soutenir les énergies renouvelables.

“La construction de cette ligne va permettre de doubler la capacité d’interconnexion (échange d’électricité, ndlr) entre la France et l’Espagne, pour la porter de 1.400 à 2.800 mégawatts”, a expliqué Yves Decoeur, le patron d’Inelfe, société responsable du projet, en présentant le chantier à la presse.

Cette ligne à très haute tension sera longue de 65 km, entre Santa Llogaia, en Catalogne, et Baixas dans les Pyrénées-Orientales. Outre un tunnel central de 8,5 km creusé à travers les Pyrénées, elle comprendra des tranchées couvertes et des stations de conversion d’électricité à ses deux extrémités.

Son but premier est de sécuriser l’approvisionnement électrique des deux pays, en permettant notamment à la France d’importer plus de courant d’Espagne lors des pics de consommation hivernaux.

“Il existe déjà quatre liaisons entre la France et l’Espagne, mais la dernière a été construite il y a 30 ans et il y a un besoin de capacités d’interconnexion (supplémentaires) entre les deux pays”, a souligné M. Decoeur.

La vague de froid qui s’achève a démontré l’utilité de telles “passerelles électriques” transfrontalières: en France, la chute des températures a fait grimper la consommation de courant au niveau jamais vu de 101.700 mégawatts le 8 février, et obligé le pays à importer massivement du courant de tous ses voisins, dont l’Espagne.

Il s’agit aussi d’accompagner le développement des énergies solaire et éolienne des deux côtés des Pyrénées. En effet, ces énergies dites propres ont l’immense désavantage d’être intermittentes, c’est-à-dire qu’elles produisent du courant pas forcément au moment où l’on en a besoin.

Comme l’énergie ne se stocke pas à grande échelle, cela impose de pouvoir exporter les éventuels surplus d’électricité et à l’inverse, d’en importer quand la production éolienne ou solaire est insuffisante, d’où le besoin de nouvelles interconnexions.

Ce problème est particulièrement pressant côté espagnol, où les énergies renouvelables représentent déjà plus du tiers de la production d’électricité (contre environ 13% en France). Il arrive que les Espagnols soient obligés de déconnecter des éoliennes de leur réseau, car elles produisent trop de courant par rapport à la demande, et les connexions avec la France ne suffisent pas à écouler le trop-plein.

La construction de cette ligne à très haute tension, en gestation depuis 1994, va nécessiter de surmonter plusieurs défis techniques.

Pour apaiser d’intenses oppositions locales côté français au passage d’une ligne aérienne, il avait été décidé en 2008 de l’enterrer. Le coût est énorme: 700 millions d’euros, en partie financés par l’Union européenne.

Cela a imposé de lourdes contraintes techniques: comme il est impossible de faire passer du courant alternatif sur de telles distances, la ligne convoiera du courant continu, qui sera transformé à ses extrémités en courant alternatif, en faisant appel à la technologie dite VSC.

Or, souligne M. Decoeur, cette technologie “n’a jamais été utilisée à ce niveau de puissance”, ce qui fait de cette ligne “une première mondiale”, qui pourrait servir d’exemple à d’autres projets.

Paris et Madrid ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin, et veulent porter leurs capacités d’interconnexion à au moins 4.000 mégawatts avant 2020. S’il est convenu qu’il n’y aura pas d’autre ligne dans les Pyrénées catalanes, une liaison sous-marine est à l’étude dans le Golfe de Gascogne.