Le luxe, un monde à part en pleine croissance

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à Rome, le 20 septembre 2011 (Photo : Andreas Solaro)

[16/02/2012 21:09:58] PARIS (AFP) A mille lieux de la crise, les groupes de luxe brillent d’un éclat insolent, parce qu’ils s’appuient sur des ressorts particuliers comme l’essor des flux touristiques et l’appétit des marchés émergents pour le chic, formidables réservoirs de croissance.

Hermès, LVMH et PPR ont publié en février des records de ventes dans le luxe.

Le fabricant des carrés de soie et des sacs Kelly et Birkin a engrangé 2,84 milliards d’euros de recettes, le double de 2005.

Tiré par sa locomotive Louis Vuitton, le numéro un mondial LVMH (Dior, Fendi, Céline, Bulgari, Chaumet, Guerlain, Moët & Chandon, Dom Pérignon…), a fait plus de 3 milliards d’euros de bénéfice, du jamais vu.

PPR a lui annoncé jeudi 4,9 milliards d’euros de ventes, près d’un milliard de plus que l’an dernier, pour son pôle luxe emmené par Gucci, qui comprend aussi Bottega Veneta, Yves Saint Laurent, Balenciaga ou Boucheron.

Et le ciel est tout aussi bleu pour les suisses Richemont (Cartier, Piaget, Baume & Mercier, Van Cleef & Arpels, Montblanc, Lancel) et Swatch Group (Breguet, Blancpain, Omega, Longines), le britannique Burberry ou l’italien Prada.

Le problème d’un Hermès ou d’un Vuitton ? Produire suffisamment pour satisfaire une demande qui explose.

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à Hong Kong, le 8 décembre 2011 (Photo : Aaron Tam)

Entre 1995 et 2011, le marché du luxe est passé de 77 milliards d’euros à 191 milliards, et pourrait atteindre 230 milliards d’ici 2014, selon le cabinet Bain & Company.

Pourquoi? Le client du luxe est certes moins touché par la crise que le consommateur lambda. Mais surtout, “le luxe repose sur des fondamentaux très différents des autres secteurs économiques”, explique Serge Carreira, professeur à Sciences Po.

– tourisme de shopping –

“D’abord, le ressort (pour vendre) n’est pas le prix mais l’image”. Nombre d’amateurs de luxe se serrent même la ceinture pour accéder à l’objet rêvé, symbole de réussite sociale.

“Ensuite, le marché n’est pas domestique mais mondial, avec des zones de forte croissance comme l’Asie et l’Amérique latine”, ce qui explique le peu d’impact de “la crise des économies surendettées” sur le secteur, dit M. Carreira.

“Il y a aussi le vaste essor du tourisme de shopping”, dont l’Europe profite à plein. La moitié des articles de luxe achetés sur le Vieux Continent le sont par des non-Européens.

“Enfin, les grandes entreprises du secteur ont su s’adapter en profondeur”, relève M. Carreira, en dépoussiérant et “revisitant” avec succès leur identité, comme Gucci, ou “en institutionnalisant leur marque”, comme Dior.

Si les maisons de luxe devaient remercier une clientèle précise, ce serait les Chinois: leurs achats explosent et pèsent 23 milliards d’euros (17% du marché), dont l’essentiel réalisé hors de Chine, selon Bernard Malek, du cabinet Roland Berger.

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é, à Paris, le 23 janvier 2012 (Photo : Martin Bureau)

Encore loin derrière les Américains et les Japonais, les Chinois devraient devenir le premier marché du luxe en 2015.

“On n’imagine pas tout ce qui se profile avec la Chine”, commente François Arpels, directeur général de la banque Bryan Garnier.

Aussi les grands noms du luxe s’y précipitent-ils.

Mais ils s’attachent aussi à capter la clientèle chinoise, de plus en plus riche, lorsqu’elle voyage, a fortiori en Europe, où les Chinois achètent en moyenne pour 1.700 euros à chaque séjour. Un mégastore de montres de luxe ouvrira ainsi prochainement à Paris dans le quartier Haussmann, qui draine 120 millions de clients par an.

“Le marché du luxe a encore de bien belles années devant lui”, estime François Arpels, évoquant les “forts relais de croissance des pays émergents”. Car il n’y a pas que la Chine et ses millionnaires toujours plus nombreux: toute l’Asie tire la demande, ainsi que le Brésil. Et le Mexique avance à grands pas. En outre, les marchés matures comme les Etats-Unis ou l’Europe résistent.

Après le faste des années 2010 et 2011, la croissance du luxe devrait toutefois ralentir en 2012, selon les analystes. “10%, ce serait une très belle année”, juge M. Arpels. Hermès vise “au moins 10%” et PPR prévoit “une croissance soutenue”.