Chypre compte sur le gaz pour éviter un plan d’austérité à la grecque

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étrolière de la compagnie américaine Noble au large de Chypre, en novembre 2011 (Photo : Christos Avraamides)

[17/02/2012 10:51:27] NICOSIE (AFP) Dans l’île méditerranéenne de Chypre, dont l’économie très liée à la Grèce est en plein désarroi, dirigeants et habitants gardent un oeil inquiet sur la crise agitant Athènes, mais estiment qu’ils seront épargnés grâce à la découverte de gigantesques réserves de gaz.

La compagnie américaine Noble a découvert en 2011 un gisement qui pourrait receler jusqu’à 224 milliards m3 de gaz naturel, dont la valeur est estimée par le gouvernement chypriote à 100 milliards d’euros.

“Et ce n’est que le début”, souligne Pierre Godec, expert en hydrocarbures installé à Nicosie.

Ce gisement, baptisé Aphrodite, n’est situé qu’à quelques kilomètres de deux gigantesques champs gaziers israéliens, Leviathan et Tamar, preuve que la région est riche en gaz, alors que douze autres blocs chypriotes doivent être attribués d’ici la fin de l’année.

L’annonce de ces découvertes en décembre a redonné espoir aux Chypriotes. L’économie de l’île a connu sa première récession depuis 30 ans en 2009 et sera à nouveau en recul en 2011. En outre, l’explosion accidentelle et meurtrière cet été de la principale centrale électrique de l’île a entraîné des turbulences économiques et politiques.

La crise grecque a encore aggravé les difficultés de la République de Chypre, qui couvre les deux-tiers de l’île et abrite une population grecque-chypriote dont les liens culturels et économiques avec la Grèce sont très étroits.

Les banques chypriotes, détentrices d’importantes quantités d’obligations et de prêts commerciaux grecs, ont déjà dû effacer deux milliards d’euros de dette, soulignent les économistes, un montant non négligeable pour ce pays de 840.000 habitants.

Les trois grandes agences de notation ont abaissé sa note, lui interdisant l’accès aux marchés financiers internationaux.

Fitch a notamment souligné dans sa décision le risque que Chypre soit obligée d’avoir recours, comme la Grèce, à un plan de sauvetage européen.

“Notre situation est loin d’être aussi mauvaise que celle de la Grèce”, tempère l’économiste Costas Apostolides, soulignant que les banques ont toujours 60 milliards d’euros de dépôts et que des mesures ont déjà été prises.

La dette publique de Chypre (61% du Produit intérieur brut) et le chômage (plus de 7%) sont plus de deux fois inférieurs à ceux de la Grèce. Mais son déficit public devrait atteindre 7% en 2011, selon le Fonds monétaire international, très au-dessus des 3% tolérés par l’Union européenne.

FMI et Commission européenne ont donc enjoint Chypre, membre de la zone euro depuis 2008, d’adopter un plan de réduction des dépenses publiques. Chypre a déjà augmenté ses impôts et gelé les salaires des fonctionnaires, dans l’espoir d’éviter un recours à l’UE.

Mais rares sont les Chypriotes prêts à envisager des mesures plus sévères, alors que les journaux publient chaque jour de “bonnes nouvelles” sur les retombées potentielles des ressources gazières.

“Le gaz va changer notre niveau de vie, pas immédiatement, mais d’ici une dizaine d’années nous pouvons devenir comme les monarchies pétrolières arabes, des pays où il fait bon vivre”, estime Cléonthios Adamou, qui enseigne l’informatique.

Grâce au gaz, “si nous sommes chanceux, d’ici cinq ans, le gouvernement percevra un milliard par an, soit le tiers de notre budget actuel”, estime M. Apostolides.

“Certains prennent déjà les futurs revenus gaziers en compte dans leur comportement et des hommes politiques craignent que cela ne rende l’électorat réfractaire à tout effort, alors que le gaz ne sera pas vendu avant huit à douze ans”, avertit M. Godec.

Première conséquence concrète des découvertes gazières: Chypre a pu emprunter 2,5 milliards d’euros à la Russie, qui lorgne sur les champs gaziers en cours d’attribution, et boucler ainsi son budget 2012 en évitant un prêt européen assorti de conditions sévères.

“La tentation est forte de dépenser l’argent du gaz avant même qu’il ne soit vendu” pour combler le déficit public, souligne l’économiste Zenon Kontolemis.