Dans son rapport final, la Commission nationale d’investigation sur la corruption et les malversations (CNICM), qui s’est penchée, durant une année, sur les entorses à la bonne gouvernance dans les transactions financières et économiques, le népotisme souterrain des uns et des autres, les abus de pouvoir et les affaires mafieuses de l’ancien régime et de ses acolytes, a mis en exergue les maux du secteur financier tunisien, l’urgence d’un plan d’assainissement des créances douteuses, le besoin d’audits exhaustifs, indépendants et externes dans les différents départements bancaires afin d’analyser l’étendue et l’impact des pratiques désastreuses associées aux réseaux d’influence des clans occultes et les exigences liées au respect des standards internationaux en matière de transparence, de reddition et de régulation.
Quelle est l’ampleur du déficit de gouvernance enregistré dans nos banques? Dans quelle mesure a-t-on appliqué les recommandations de Bâle I, II et III? Peut-on parler, comme l’ont indiqué, depuis des années, les rapports du Fond monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale dans le cadre du Programme d’Evaluation du Secteur Financier(PESF), de simples lacunes et insuffisances?
Il faut tout d’abord rappeler que feu Abdelfattah Amor, président de la CNICM, a présenté, à l’occasion de ses rencontres avec les médias nationaux, le secteur bancaire comme étant l’un des domaines les plus concernés par le trafic d’influence, qui sévissait dans le pays.
De son côté, dans l’une de ses récentes notes, l’Académie des banques et finances (ABF) a souligné «l’ampleur de la corruption, qui a grevé l’économie tunisienne en général et le système financier en particulier, mettant ainsi à nu le déficit de gouvernance en cours dans le pays depuis deux décennies».
Apparemment, d’après Amor Tahari, consultant international et ancien cadre supérieur au FMI, les faiblesses de nos banques se traduisent notamment «par un niveau élevé de l’encours des créances compromises, des insuffisances dans les cadres légaux, réglementaires et de contrôle, et un moindre degré de conformité aux principes fondamentaux du comité de Bâle». Ce qui a fait des indicateurs de performance du secteur bancaire en Tunisie, ajoute notre interlocuteur, largement en dessous des réalisations d’autres pays émergents.
En effet, indiquent des statistiques récentes, la part des créances classées dans le total des crédits bancaires est restée très élevée (12,1%) en Tunisie et en décalage par rapport à des économies similaires, mais en phase avec les règles prudentielles émises dans les conclaves du Comité de Bâle I, II et III (Chili 2,7%, Malaisie 3,4%, Turquie 3,2%).
Le ratio du capital réglementaire était de 12,6% dans notre pays, moins que celui en cours dans d’autres pays émergents comme le Chili 14,1%, la Malaisie 17,5% ou la Turquie 19%. C’est ainsi que la rentabilité des banques tunisiennes a été, de ce fait, plus faible, puisque le ROA n’a pas dépassé chez nous la barre de 1%. Alors qu’Ankara peut se targuer d’avoir enregistré 2,2% et Santiago 1,7%.
Selon un financier de la place, le taux de provisionnement des créances classées a été de 59,6% en Tunisie, loin de l’objectif de 70% fixé au départ. En dessous donc des niveaux atteints par d‘autres pays émergents à l’image du Chili 200,7%, de la Thaïlande 117% ou de la Turquie avec 83,8%.
En fait, les exigences de la révolution du Jasmin, nous dit un ancien directeur de banque, requièrent du système financier un engagement dans une réforme de restructuration, un rapprochement des standards internationaux, une amélioration de l’approche de financement de l’investissement, notamment au niveau régional, un ancrage du secteur bancaire aux normes de bonne gouvernance et un attachement viscéral à l’autonomie et à l’indépendance de la Banque centrale de Tunisie. Vis-à-vis des contingences politiques.
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