Voilà 100 jours que les premières élections libres en Tunisie ont émis leur verdict en faveur d’Ennahdha qui devait s’atteler logiquement, dès la sortie des urnes, à prendre le «lead» dans l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Cette tâche était, sans équivoque, le seul objectif de ces élections!
Soixante-dix jours durant, alors que le pays souffre le martyr économiquement, la responsabilité de la Troïka envers la nation n’a été ressentie à aucun moment: ni l’empressement au rétablissement d’une vie sociale normale, ni l’inquiétude que devait normalement susciter la situation économique (chômage, baisse du pouvoir d’achat, inflation, etc.) et sécuritaire du pays (routes coupées, banditisme affirmé, gabegie éparse,…). La présidence de la République, dépecée et vidée de toute consistance, a été offerte en cadeau sans consistance au troisième vainqueur, le deuxième étant d’office marginalisé pour antécédents scabreux. Quant au quatrième, petit bourgeois de banlieue, il a fini par se résoudre au poste de président de la Constituante avec quelques petits caprices satisfaits, en passant, par-ci et par-là pour l’un et l’autre des deux alliés du moment.
Il était nécessaire d’assumer la charge de l’Etat. Et c’est là que le bât blesse. La situation postrévolutionnairene pouvait être gérée par un gouvernement politique basé sur des tractations de partis. Il fallait des mesures concrètes et des compétences affirmées pour espérer entamer un redressement socioéconomique. Toutefois, sans programme réel, sans feuille de route claire, avec des bailleurs de fonds étrangers versatiles et avec un peu de chance, la Troïka a considéré que «le tour pourrait être joué». Croire à la cour des miracles ou au pays de Peter Pan était plus évident que l’entreprise à laquelle s’est attelé ce gouvernement qui, somme toute, ne fait pas preuve de compétence. Loin s’en faut! Plus les jours passent, plus on le voit s’embourber aux plans économique, social et sécuritaire.
L’autorité de l’État n’a jamais été remise en cause autant que durant cette période et dans plusieurs régions du pays. L’environnement économique et des affaires est peu encourageant pour les investissements.
Le retour sur la scène internationale est quasi raté avec des écarts rocambolesques de la ligne diplomatique traditionnelle de notre pays.
Les urgences que représente l’intervention dans le domaine de l’eau potable, de l’électricité, de la salubrité et de la santé sont délayées. Le retour de la bonne gouvernance se fait attendre.
Ce gouvernement ne réussitpas à engager les réformes dans les domaines structurels. Il ne fait encore rien en matière de réconciliation nationale.
Six thématiques retiennent l’attention et devraient être la priorité de ce gouvernement à savoir:
– Défense, sécurité et Etat de droit
– Education, santé, emploi, affaires sociales
– Economie, secteur privé
– Infrastructures
– Environnement, habitat, services publics
– Culture, jeunesse, sports.
Des actions significatives sont à entreprendre en tenant compte des préoccupations urgentes des Tunisiens, notamment:
1. l’amélioration de la sécurité des personnes et des biens et la prise de mesures pour la sécurisation du pays, par la mise en place d’une police républicaine, non politisée, au service du citoyen, moderne, disciplinée et soucieuse de la protection des personnes et des biens; rendre effective la restauration de l’autorité de l’Etat, le redéploiement des grands commandements de l’Armée, de la Police, et des Douanes;
2. le renforcement de la lutte contre la corruption dans les services publics;
3. la réorganisation administrative du territoire national;
4. l’entreprise des efforts et l’assainissement des finances par une gestion rigoureuse de nos ressources, la stabilisation de l’inflation, autant de choses qui permettent de faire à nouveau naître la confiance des bailleurs de fonds; la lutte contre la cherté de la vie par la maîtrise des prix de certains produits de grande consommation;
5. la reprise des activités économiques, la normalisation de la gestion économique et financière et la dynamisation des relations de coopération avec les partenaires au développement;
6. la rationalisation et l’harmonisation des salaires des organes dirigeants des sociétés d’Etat et sociétés à participation financière publique et le lancement des audits dans lesdites sociétés;
7. la relance des activités judiciaires et notamment le volet de la justice transitionnelle;
8. le repositionnement de la Tunisie sur l’échiquier international à divers niveaux;
9. l’assainissement des sites universitaires;
10. l’amélioration de l’offre de soins et l’application de la mesure de gratuité des soins;
11. la mise en œuvre d’actions en faveur de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale;
12. la relance des infrastructures routières et des grands travaux;
13. la création d’emplois jeunes;
14. l’amélioration de l’environnement des affaires et l’appui au secteur privé, le lancement d’un fonds de garantie de soutien aux Petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que le renforcement du partenariat Etat-Secteur privé.
Non, vraiment, notre peuple ne mérite pas d’être aussi maltraité, aussi peu considéré. Notre pays regorge de compétences dans tous les domaines. Pourquoi devons-nous vivre cette incertitude alors que nous pouvons aisément rédiger notre constitution en un temps record et passer aux choses sérieuses? Entretemps, quelques dizaines de compétences peuvent nous permettre d’assurer la traversée du désert par un programme de 100 jours, puis nous rendre compte des acquis enregistrés pendant cette période.