Il souffle sur le pays des vents mauvais d’effervescence et d’agitation. La transition est mise à mal. Il y a de l’intifadha dans l’air.
L’avalanche de contreperformances s’accélère entretenant une psychose institutionnelle. On craint pour nos libertés, on craint pour nous-mêmes. Il y a comme un vent de débâcle dans l’articulation des libertés publiques. On ne les voit pas progresser et semblent caler. Le processus va-t-il s’embourber?
Le trouble s’installe dans les esprits
Presque tous les compartiments de la vie civile sont en proie à de l’activisme militant nourri de violence. Les manif’ sont le plus souvent chahutées, les meetings sont fréquemment perturbés. La vie à l’université suffoque. La presse est mise à l’index. La croissance n’est pas de retour. La diplomatie apporte son lot de surprises. L’agenda international prend le pas sur les priorités nationales. La révolution est mal récompensée. A peine a-t-elle amnistié qu’elle se retrouve prise à contrepied par la flambée instantanée du jihadisme.
Les déclarations politiques s’entrechoquent. Des relents de retour du Parti-Etat font surface de-ci, de-là. Et la rumeur qui enfle. Oui, cette rumeur qui trouble les esprits. Les libertés publiques sont-elles vraiment menacées? Le retour du sacré dans la vie publique fera-t-il barrage à l’Etat de droit?
Dans ce panorama électrique, le prosélytisme d’Orient allumé survient pour déchaîner les passions. La vindicte, les vociférations tous azimuts, la diabolisation de l’autre, et toutes ces éruptions d’hostilité n’arrangent rien. La trajectoire de la transition sera-t-elle déviée?
La liberté de la presse: Le «glas» a-t-il sonné?
La presse est toujours aux avant-lignes dans les combats pour les libertés publiques. Elle sert de «firewall». Qu’elle soit menacée, et les libertés publiques seront fatalement impactées. En stratégie militaire, on parle de «chair à canons». Ce sont les premières troupes qu’on aligne pour stopper la charge. Elles sont destinées à être décimées. Quand la presse est en ligne de mire, l’opinion se raidit. Il ne faut pas se leurrer, la prochaine salve est pour elle.
La presse sort d’une longue période de traque. Il ne faut pas la perturber et la prendre pour cible avant qu’elle ait eu le temps de faire son aggiornamento. La faucher alors qu’elle est en plein travail de reengineering professionnel et éthique, c’est la sacrifier. Ce gâchis, s’il se produit, on sait ce qu’il apporte dans son sillage. Y’a pas photo. Peut-on éviter un scénario frisson?
De quoi demain sera fait?
On n’est pas tranquille. On sonderait les Tunisiens à l’heure actuelle qu’on aurait confirmation de ce sentiment lancinant qui nous gâche la vie. L’indépendance des pouvoirs est brouillée. Quelque chose est en train de parasiter la visibilité sur le déroulement de la transition. On a peut-être initié le printemps arabe mais la joie n’est ni dans l’air ni dans les esprits. La vie publique n’est pas prise en mains de la manière que l’on souhaitait. La gestion de la dernière crise météo vient le souligner, une fois encore. Pourquoi se priver de l’élan de solidarité internationale en temps de sinistre.
La région nord-ouest ne serait pas restée enclavée si on avait appelé nos voisins italiens et français habitués avec leur corps de «chasseurs alpins» de traiter ce genre de situations.
L’Amérique et le Canada, familiers de ces accidents de la météo, pouvaient très bien être mis à contribution. Le plan Jasmin qu’on ne voit toujours pas. Les régions ont besoin d’être rassurées. Il faut les dessiner pour qu’elles se rendent compte qu’elles vont exister dans un plan de décentralisation effectif. Peut-être qu’il fallait l’activer dans la foulée de cet épisode climatique. On ne répétera jamais assez que l’on gouverne avec des symboles. Et le peuple est en attente de signaux forts.
Le fonds Ajyal et la Caisse des dépôts et consignations ont été configurés pour faire repartir l’investissement. Pourquoi alors se priver de ces deux vecteurs de croissance.
L’information économique est biaisée. Le bulletin de la Banque centrale évoque “des prémices de reprise“ pour le mois de janvier 2012. De quoi parle-t-on, en pleine flambée des prix et de fonte des réserves? Et toujours cette rumeur sur le futur Etat à naître. Si demain le sacré investit la constitution et que le parlementarisme triomphe, on sera pris dans un vilain étau. L’histoire nous a favorisés, et dans le même temps, nous met à l’épreuve. La révolution a servi de détonateur contre l’oppression libérant dans notre foulée certains de nos pays frères.
L’histoire la met au défi d’enfanter un régime de démocratie vraie, celui-là même dont on a rêvé et pour lequel nos jeunes ont payé de leur vie. Faute de quoi, nous risquons de porter un coup fatal à la relation entre Islam et démocratie. Ce serait le test de vérité pour la révolution. Toute connotation confessionnelle dans notre démocratie peut favoriser le retour au pouvoir de l’extrême droite européenne et des néoconservateurs américains.
Quelqu’un peut-il jurer que l’on ne sera pas entrainé dans le tourbillon d’une guerre sainte? Que tous les oracles se dressent contre moi; que tous les sorts me démentent, j’aimerais tellement me tromper.