Tunisie : Réforme de l’enseignement… L’impératif de renouveau


education-tunisie-23022012-art.jpgEn pleine dynamique de renaissance économique, la réforme de l’enseignement
secondaire s’invite au débat. La réforme est technique mais les objectifs
prennent un caractère hautement politique.

L’Union européenne a financé une étude en vue de la réforme de l’enseignement
secondaire et de l’enseignement technique. Les experts chargés de ce travail
d’exploration ont fait un premier exposé public de leur travail. Il s’agit pour
eux de tester la validité de leurs démarches et de configurer leurs conclusions
avant de les publier de manière officielle. Le travail a duré quatre ans
environ. Deux enveloppes de trente millions d’euros chacune ont été investis
dans ce considérable travail d’investigation.

Compte tenu de l’abondance des travaux sur le secteur pouvait-on faire l’effort
d’une telle étude? Nous partons de l’hypothèse que les experts semblent, selon
l’appréciation que nous faisons de ce premier contact, s’orienter vers des
conclusions proches de celles qui ont été avancées par la Banque mondiale depuis
le début des années 2000.

L’étude est désormais disponible sur le site de la mission de l’UE. Ce qu’on
attend de ce genre d’études n’est pas tout à fait le diagnostic du système. A
présent, il y a unanimité sur l’inefficacité de l’éducation nationale. On attend
par contre des choix pertinents quant à l’esprit de la réforme à mettre en
place. L’avis des experts est nécessaire. On sait qu’à lui seul il ne saurait
suffire. Qui associer d’autres à cette entreprise qui engage, et il ne s’agit
pas d’un euphémisme, l’avenir du pays?

La méthode et le constat

Les experts sont allés sur terrain et ils ont enquêté auprès des enseignants et
des apprenants. Ils se sont penchés sur les circuits administratifs. Et ils ont
examiné les circuits budgétaires.

Enfin, c’est un travail de fourmi. Le travail accompli est certes méticuleux et
fait avec beaucoup de rigueur, mais il s’oriente vers un constat timide. Il
manquerait, selon nous, de pertinence. A l’évidence, il pourrait aboutir à des
recommandations qui apporteront une certaine amélioration. Les experts sont
partis d’un a priori, à savoir que tout n’est pas à jeter et qu’on peut, au prix
de doses homéopathiques, redynamiser l’ensemble et faire performer le secteur.
Mais en l’état actuel des choses, saurait-on se suffire d’introduire un léger
mieux ou de s’employer à un véritable travail de refondation?

Les contreperformances sont là

Depuis le début des années 2000, et sans ménagement, la Banque mondiale avait
dit son mot sur la question. L’éducation nationale est en panne. Le système se
réduit à un bourrage de crânes. Les apprenants étaient formés à se conformer et
à obéir. La BM proposait de slicer les trois cycles selon un gradualisme
pédagogique précis. L’enseignement primaire servirait à meubler les esprits. Le
secondaire devait familiariser les jeunes à l’usage de la critique. Et, in fine,
le supérieur devait les préparer à la pratique de la recherche.

Sans être lumineux, ce diagnostic a l’avantage de sa rationalité. Il est vrai
que si l’on veut former des jeunes doués de l’esprit d’initiative, la démarche
suggérée était tout indiquée. Bien entendu il restera toujours à l’implémenter
aux réalités locales, Toujours est-il que, dans l’ensemble, la démarche devait
être adaptée à la situation de notre pays.

Par ailleurs, les contreperformances de l’éducation nationale sont nombreuses et
connues de tous. Le taux d’échec est élevé et les diplômés n’ont pas le profil
sollicité par le marché du travail. A seize ans, les jeunes tunisiens qui ont
participé au concours PISA, organisé au niveau des pays de l’OCDE, ont été parmi
les derniers. Aucun n’a dépassé le grade quatre sur une échelle qui va à six, et
le plus souvent, ils se retrouvent autour du grade 2. Donc, nous sommes parmi
les derniers avec des scores très faibles.

Le problème de l’orientation est tout aussi douloureux. Dans les centres de
Kasserine et Sidi Bouzid, 50% des apprenants son orientés en filière lettres
contre une moyenne nationale de 20%. Or, quand l’Etat n’embauche pas
d’enseignants, dans leur quasi majorité, ces diplômés restent sans emploi. Nos
universités n’ont pas fait mieux. L’université de Sousse était six millième sur
un total de huit mille, et celle de Jendouba était à la traîne, loin derrière.
C’est amer mais c’est ainsi.

L’ennui c’est qu’aucun des cycles n’est comptable de ses performances. Or, nos
pédagogues se sont penchés sur la question. Les responsables du secondaire vous
diront que les élèves arrivent mal formés au lycée. Et quand vous sermonnez les
gens du supérieur, ils font la même réponse. Le tour de la question est vite
fait. Tout le système est à repenser.

Quo va dis?

D’expérience, on sait que l’on doit, d’un niveau à l’autre, adopter une logique
de client à fournisseur. Chaque palier doit formaliser ses exigences et les
dicter à celui qui le précède. On sait également que l’enseignement technique ne
prépare pas à l’emploi. Il convient de le remplacer par une véritable formation
professionnelle. Cette dernière serait à la demande des apprenants, débouchant
sur deux issues. Ou directement l’emploi ou la formation à l’université. Dans
les deux cas, il faut plier à la relation fournisseur/client. Autant
l’université que les partenaires sociaux, soit l’UTICA et les syndicats, devront
imposer des niveaux de formation précis. Et puis pourquoi ne pas étendre les
consultations aux parents d’élèves. On peut toujours m’objecter que l’étude
s’étant déroulée sous l’ancien régime, les consultations démocratiques n’étaient
pas bien encouragées. En la matière, ils se seraient bien prononcés sur des
objectifs aussi importants que le partenariat qu’on souhaite avoir entre public
et privé dans l’éducation nationale.

L’acquis de l’enseignement gratuit et obligatoire est d’un impact national. Ce
sont eux qui souffrent de la panne de l’ascenseur social, de la cherté des cours
particuliers. Ils peuvent très bien dire s’ils acceptent un relèvement d’impôt
pour une amélioration des conditions de l’enseignement. Et puis, tout l’argent
englouti par l’étude à quoi a-t-il servi. La contrevaleur de soixante millions
d’euros, c’est environ cent-vingt milliards de nos millimes, il y a de quoi
connecter toutes les écoles de Tunisie. La question méritait d’être posée.