Les récents agissements des salafistes qui ont, de plus en plus, la fâcheuse tendance à s’imposer ostentatoirement, au commun des Tunisiens tantôt avec une violence inouïe (incendie de postes de police à Jendouba et terrorisation des habitants de cette ville), tantôt avec pacifisme (prédication et organisation) à cet effet, à El Jem, d’une exposition sur le thème «Fuyez vers Dieu), commence à exaspérer plus d’un homme politique.
Pour mémoire, ces salafistes, qui seraient un millier dans le pays, se réclament du salafisme, mouvement sunnite revendiquant un retour à la pureté de l’islam des origines, fondé sur le Coran et la Sunna. Aujourd’hui, le terme désigne un mouvement composite fondamentaliste, constitué en particulier d’une mouvance traditionaliste et d’une mouvance djihadiste. Toutes ces mouvances affirment constituer la continuation sans changement de l’islam des premiers siècles.
Le premier à monter au créneau a été manifestement le président de la République provisoire, Mohamed Moncef Marzouki qui, en leur faisant assumer, lors d’une interview diffusée par trois chaînes de télévision, la responsabilité de l’importation d’armes et la fusillade qui a eu lieu à Bir Hfai (gouvernorat de Sfax), n’a pas hésité à les qualifier de «microbes» -avant de présenter ses excuses le lendemain. Le mal est néanmoins fait. La rupture est, désormais, consommée entre salafistes et présidence de la République. Dans leurs prêches du vendredi, les prédicateurs salafistes tirent des boulets rouges sur la magistrature suprême et lui prédisent l’enfer.
Mohamed Abbou, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Réforme administrative, est la deuxième personnalité politique à réagir aux agissements des salafistes.
Invité par Radio Express Fm à donner son point de vue sur l’incendie par des salafistes du siège de son parti, le Congrès pour la République, à Jendouba, M. Abbou a “rappelé aux incendiaires qu’ils n’avaient aucunement contribué à la révolution du 14 janvier et qu’au moment où des militants luttaient contre la dictature de Ben Ali, ils avaient préféré se battre et s’exploser en Irak, alors que leur peuple avait le plus besoin de leur fougue combattante pour intimider le dictateur déchu. Courtois, M. Abbou est allé jusqu’à inviter les salafistes à avoir un minimum de respect pour le peuple tunisien qui les a libérés du joug de l’arbitraire et de l’autoritarisme”.
La troisième personnalité à se prononcer en public sur le dossier de la violence salafiste n’est autre qu’Abdelfattah Mourou, figure de proue de la mouvance islamique en Tunisie.
Dans toutes ses interviews, il ne cesse de déclarer qu’il ne partage nullement les thèses des salafistes qui, a-t-il dit, développent une approche superficielle et archaïque de l’islam, ne disposent d’aucun projet socioéconomique crédible et privilégient le recours arbitraire à l’insulte gratuite et à la violence.
Il a condamné leur appel au Jihad et les a mis en garde contre le risque de perdre cette précieuse liberté de parole et d’expression dont ils jouissent actuellement pour peu qu’ils continuent à semer le désordre et à semer les graines de discorde entre laïcs et bons musulmans. M. Mourou a stigmatisé tous les apôtres de l’exclusion, à gauche comme à droite, et averti contre les conséquences néfastes de l’anarchie qui prévaut dans le pays et dont les salafistes assument en partie la responsabilité. «Cette anarchie, pour peu qu’elle dure, a-t-il-dit, risque, selon lui, d’aboutir à une nouvelle dictature».
Pour sa part, Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahdha, a imputé aux laïcs l’émergence du salafisme et les a rendus responsables de l’absence de culture religieuse dans le pays, ce qui pousse les jeunes salafistes à inviter des prédicateurs étrangers. M. Ghannouchi, qui tenait une conférence de presse, jeudi 23 courant, a rappelé que les tous les musulmans sont quelque part salafistes en ce sens où ils demeurent nostalgiques de la pureté de l’islam des salaf. Il a tenu cependant à condamner le recours des salafistes à la violence. Au moins ça.