Au N° 121 on débarque la liberté de presse, au motif qu’elle va trop loin. Simple arrêt ou c’est déjà le terminus? On s’égare! Le quai des libertés sera-t-il le quai des brumes?
On ne sait par où commencer. Faut-il parler de l’affaire «Attounsia», du dossier Ben Saïda ou tout simplement de la cause du peuple? La liberté d’opinion serait-elle remise en question après le procès d’Attounsia? La liberté d’opinion c’est aussi important que l’air et l’eau. Pourquoi attenter aux acquis de la révolution, à savoir les libertés publiques? La perquisition dans les bureaux, les menottes, la réquisition des exemplaires, nous hérissaient tous. Le 14 janvier, nous étions unanimes à dire qu’il faut y renoncer pour toujours. Pourquoi faut-il que ça nous revienne en boomerang en pleine transition? Le délit d’opinion, ce fléau, cette malédiction, il faudrait qu’on soit tous d’accord pour ne plus y toucher. Il faut l’expulser de nos esprits.
L’esprit et la lettre
Il est vrai que la loi 121 et son alinéa 3 survivent encore. Mais il y a la lettre et l’esprit de la loi. Pourquoi s’attacher à la première et privilégier la rigueur alors que l’air de la révolution nous prédispose à favoriser l’esprit et son corollaire de tolérance et d’ouverture? Attounsia, en publiant le cliché incriminé, s’est mis en hors jeu par rapport à ses lecteurs. Ces clichés ont leurs titres réservés. Ils sont d’ailleurs en kiosques. Attounsia a donc feinté ses lecteurs. On se souvient que quelques jours plus tôt, le journal avait publié sur deux fois, une longue interview de Béji Caïd Essebsi. Que du politique il vire vers le style people, sans prévenir ses lecteurs au préalable, est déroutant. Dans le pire des cas, les lecteurs auraient soulevé une réclamation qui relèverait davantage des compétences de l’Organisation de défense des consommateurs en l’absence d’une organisation interprofessionnelle de presse.
L’idéal de la révolution ne se négocie pas
Il paraît incompatible que sous le premier gouvernement légitime, on voit resurgir les pratiques révolues. L’ancien régime gardait l’article 121 sous la main, après l’avoir sorti du code de la presse pour réprimer de manière détournée. L’article 121 c’était sa couverture pour juger les journalistes prétendument sous le droit commun et non pour délit d’opinion. Cette jonglerie ne trompait personne car elle était commune à toutes les dictatures de la planète.
Il faut comprendre que les libertés publiques sont indissociables. La liberté de la presse est le miroir de l’Etat de droit. Quand elle se trouve exposée, c’est tout le système qui se trouve fragilisé. L’opinion s’interroge sur le sort de l’indépendance des pouvoirs. Et, elle a besoin d’un signal fort. Le monde a salué notre révolution qui a su se protéger des démons de l’intolérance. L’idéal de la révolution ne se négocie pas. Il faut le préserver. Le pari sur les libertés publiques, dont la liberté de la presse, doit être partagé par tous.