BCE : à peine arrivé, Mario Draghi déjà encensé

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érence de presse à Francfort le 9 février 2012 (Photo : Emily Wabitsch)

[26/02/2012 11:33:38] FRANCFORT (AFP) Les critiques sont unanimes: l’action de Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), dont il a pris la direction en novembre, a été décisive pour ramener le calme en zone euro. Pour autant, il n’a pas bouleversé la ligne suivie par l’institution depuis le début de la crise.

“Je suis très impressionné par Mario Draghi”, a déclaré la semaine dernière le prix Nobel américain d’économie Paul Krugman, pourtant prompt à critiquer une BCE trop timorée à son goût face à la crise de la dette.

“Jusqu’ici, l’entrée de Mario Draghi a été impressionnante et impeccable”, juge Carsten Brzeski, économiste d’ING tandis que le quotidien économique allemand Handelsblatt le qualifiait récemment d'”homme d’action”.

Ces compliments appuyés tiennent en grande partie à deux décisions de M. Draghi: baisser les taux d’intérêt en novembre et décembre, ramenant ainsi le principal taux directeur de la BCE, baromètre du crédit en zone euro, à 1%, son plus bas niveau historique; inonder les banques de la zone euro en liquidités avec une opération de prêt inédite sur trois ans fin décembre.

C’est cette dernière mesure, baptisée “LTRO” et qui sera répétée mercredi aux mêmes conditions, soit un taux fixe et un montant illimité -c’est-à-dire que les banques pourront emprunter autant qu’elles le souhaitent à condition d’avoir les garanties nécessaires en échange- qui a le plus marqué les esprits. Grâce notamment à l’ampleur de la demande: 489 milliards d’euros distribués à plus de 520 établissements, là où nombre d’analystes attendaient beaucoup moins.

Elle était destinée à éviter un effondrement du crédit aux entreprises et aux ménages, dans un contexte très tendu pour les banques de la zone euro dont certaines étaient frappées d’ostracisme sur les marchés qui ne leur faisaient plus confiance.

Si de ce point de vue, la réussite n’est pas encore avérée, la mesure a eu en revanche pour effet d’apaiser les tensions sur le marché de la dette publique, et de faire baisser les taux d’emprunts des Etats où ils s’étaient envolés comme l’Espagne et l’Italie.

“L’efficacité a été spectaculaire mais pas dans le domaine où elle était destinée à améliorer la situation”, constate Christian Bordes, professeur d’économie à l’Université Paris 1.

Il rappelle toutefois que cette action n’est pas si neuve puisque que c’est le prédécesseur de M. Draghi, le Français Jean-Claude Trichet, qui a introduit les prêts à long terme et à taux fixe, dès 2009 face à la crise financière mondiale. Ils étaient cependant limités à un an sous son mandat.

Continuité il y a aussi, selon Sylvain Broyer, économiste de Natixis, pour qui c’est “le regain de la crise bancaire” à partir de l’été 2011, synonyme de crise de liquidités, qui a poussé M. Draghi à en élargir la durée.

En fait, “ce qui frappe tout le monde, c’est qu’il n’a pas marqué d’hésitation, il n’a pas tremblé”, souligne Jean Pisani-Ferry, directeur de l’institut d’analyse économique Bruegel, basé à Bruxelles, rappelant que l’Italien, du fait de sa nationalité, était soupçonné avant son arrivée d’une attitude plus complaisante envers le risque inflationniste, qui peut être entretenu par des taux bas. “Or il n’a hésité ni sur la baisse des taux ni sur le LTRO”.

Autre réussite à son actif, selon M. Pisani-Ferry: il a “mis un terme à la discussion qui traînait depuis l’été” sur la nécessité pour la BCE de se comporter de prêteur de dernier ressort des Etats, rôle qu’elle se refuse à assumer et que son mandat interdit. “Il a marqué la frontière entre la responsabilité des Etats et celle de la BCE”.

Dans le même temps, il a calmé les tensions avec la Banque centrale allemande qui critique depuis le départ le programme de rachat d’obligations publiques sur le marché secondaire adopté en mai 2010, qui selon elle s’apparente à un financement indirect des pays en difficulté.

M. Draghi se garde bien cependant d’annoncer la fin de cet instrument, peu utilisé ces dernières semaines mais qui pourrait encore servir car la situation, bien qu’améliorée, est loin d’être stabilisée.

Pour que l’accalmie perdure, selon M. Pisani-Ferry, “le défi à moyen terme pour la zone euro, c’est de savoir si le rééquilibrage entre l’Europe du Nord et du Sud peut se faire”.

Mais là “la BCE ne peut pas faire grand chose car elle pilote l’ensemble de la zone euro et pas les différences en son sein”.