un camion le 21 avril 2010 dans les rues de Khartoum (Photo : Patrick Baz) |
[26/02/2012 12:14:52] KHARTOUM (AFP) L’économie soudanaise a vu s’envoler des milliards de dollars avec la partition du pays l’année dernière, et Khartoum peine désormais à lutter contre une inflation en flèche et une monnaie en berne.
“La situation empire de plus en plus”, l’économie est en crise et “la vie est devenue très difficile”, estime Mohamed Eljack Ahmed, un économiste de l’Université de Khartoum.
Le Soudan a commencé à exporter son pétrole à la fin des années 1990, ce qui lui a rapporté croissance et investissements. Mais le robinet a été coupé en juillet avec l’indépendance du Soudan du Sud, qui dispose de la majeure partie des réserves.
Au cours des six mois qui ont précédé la partition, Khartoum a tiré 7,5 milliards de dollars de ses exportations pétrolières, mais 85% de ces recettes venaient du pétrole du Sud, selon la Banque mondiale. Et cette manne représentait plus du tiers des recettes de l’Etat.
“Ils ont perdu ce revenu. Ils l’ont perdu pour de bon”, tranche un économiste international sous couvert d’anonymat.
Le Soudan du Sud est tributaire des infrastructures du Soudan pour exporter son pétrole, mais les deux pays ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les frais de transit.
L’absence des pétrodollars a provoqué une grave pénurie de devises. Dès lors, les prix des importations flambent, rendant inabordables des produits essentiels comme les médicaments, explique M. Ahmed.
Selon les médias officiels, l’inflation était de 19% en janvier, et selon les économistes, cela devrait encore empirer.
Le gouvernement maintient un taux de change fixe de 2,7 livres pour un dollar, mais au marché noir, le dollar atteignait 4 livres fin 2011, et s’approche maintenant des 5 livres.
“En ce moment, nous achetons tous des dollars” dans l’espoir de bénéfices à venir si la livre poursuit sa chute, explique un cambiste clandestin dans le centre de Khartoum.
Mais “il y a une pénurie de dollars sur le marché”, explique un autre cambiste, qui compte parmi ses clients des importateurs en manque de liquidités. Le gouvernement rationnant les devises, même les hommes d’affaires bien établis peinent à obtenir des dollars par les voies officielles.
Pour y remédier, Khartoum espère doubler la production de ses puits de pétrole et tirer 2,5 milliards de dollars cette année de ses exportations d’or, tout en augmentant ses ventes notamment de coton et de sucre.
Mais pour les économistes, ce plan est irréalisable dans l’immédiat.
écembre 2012 à Khartoum (Photo : Ashraf Shazly) |
Si l’agriculture a longtemps été le pilier de l’économie soudanaise, ses infrastructures sont désormais à l’abandon. Et les réserves de pétrole se trouvent essentiellement dans les régions frontalières du Sud, où des combats opposent depuis l’été l’armée à des mouvements rebelles.
Parallèlement, le déficit budgétaire s’aggrave et la dette déjà lourde (38 milliards de dollars) associée aux sanctions économiques américaines liées au conflit au Darfour limite l’accès aux financements étrangers, selon l’économiste international qui prévoit un recul du PIB de 4,5% en 2012.
En juin 2011, Khartoum a annoncé un plan de réduction des déficits qui n’a pas convaincu les économistes.
Le déploiement de l’armée dans les Etats du sud et au Darfour (ouest) rend en effet toute réduction des dépenses difficiles. Et le gouvernement ne peut revenir sur les exemptions d’impôt stratégiques accordées à “certaines personnes, familles et organisations”, explique M. Ahmed.
La crise pourrait avoir des répercussions sociales et politiques, dans un pays où l’ONU estimait le taux de pauvreté à 46,5% en 2010. A mesure que cette pauvreté s’accroît, la colère gronde.
A Khartoum, les projets de construction fleurissent, les entreprises travaillent et les habitants ne sont pas miséreux, note l’économiste international. Mais, selon lui, cela ne peut pas durer.