C’était en marge de sa présence à la conférence des “Amis de la Syrie“, samedi 25 février, un déplacement qui a initié sa tournée maghrébine. La secrétaire d’Etat américaine a souhaité rencontrer des membres de la société civile tunisienne, principalement des jeunes, pour discourir et échanger sur ‘Youth rising, aspirations & expectations’. Des jeunes, nombreux, de l’American corner (Centre culturel américain), des jeunes engagés dans des associations, quelques blogueurs, quelques hommes d’affaires, des membres de la TACC, se sont déplacés pour l’occasion au palais Ennejma Ezzahra à Sidi Bou Saïd.
Dans son discours d’une vingtaine de minutes, Hillary Clinton est revenue sur la révolution tunisienne «qui a été une source d’inspiration» et sur la détermination du peuple tunisien. Les jeunes, initiateurs des soulèvements, ici et ailleurs, font partie d’une génération qu’elle qualifie de «responsable, optimiste, novatrice et importante». Et grande est sa responsabilité en Tunisie, puisqu’elle doit s’assurer que la révolution n’évoluera pas différemment de ses objectifs initiaux en construisant un pays fort et démocratique et ne déraillera pas «vers une autocratie ou une forme d’absolutisme». Les médias sociaux représentent d’ailleurs un moyen pour «mettre en lumière toute forme de corruption».
Avec ses 4 milliards de jeunes dans le monde, la jeunesse «est au cœur même des défis actuels»… et de la stratégie américaine! La dame de la diplomatie US s’est d’ailleurs enjoint les services d’un conseiller de 24 ans sur toutes les questions ‘jeunesse’. Et ce n’est pas tout, des conseils de jeunesse vont être mis en place dans les consulats et ambassades américains afin de construire des solutions, et à Washington, un bureau va être dédié aux affaires de la jeunesse. Là, nous approchons du nerf de la ‘guerre’, car les solutions sont avant tout économiques. Il s’agit d’encourager l’entreprenariat chez les jeunes: partenariat, coopération, connexion avec les hommes d’affaires, organisation du Sommet mondial de l’entreprenariat en 2013 à Tunis, etc. De rassurer sur l’économie ouverte et libérale: «elle bénéficie aux jeunes».
Concernant le mouvement Ennahdha, Mme Clinton se positionne dans le ‘Wait & see’ sans rien d’alarmiste. Pour elle, le parti au pouvoir a l’opportunité de «montrer qu’une politique islamiste est compatible avec la démocratie». Elle se dit donc «confiante, très, très, très confiante» sur la réussite du processus -toujours perfectible-, démocratique en cours en Tunisie, «grâce à vous [ndlr, les jeunes]», pour trois raisons:
– La Tunisie s’assied sur une «histoire qui a fourni un ensemble de protections pour les droits individuels»;
– La Tunisie a «une position géographique stratégique», ce qui est porteur au niveau économique;
– La Tunisie «a donné la cadence à la démocratisation régionale», ce qui lui donne des responsabilités et des opportunités.
D’ailleurs, à travers notamment ses discussions au plus haut niveau tunisien sur les plans gouvernementaux pour l’emploi, elle ne voit que de «la créativité, et pas du tout un retour en arrière». En remarquant que les USA ont joué la carte de l’islam politique au Moyen-Orient, une personne du public la questionne sur le point à partir duquel un parti religieux n’est plus considéré comme modéré par les Etats-Unis. Et Hillary Clinton de répondre en argumentant sur le fait que les élections démocratiques confèrent une respectabilité à un parti religieux, et que tant qu’il reconnaît les différentes libertés individuelles, et notamment la liberté d’expression, ses détracteurs doivent en user, en sachant qu’un parti politique est jugé sur son discours et ses actions. A l’instar des exemples indonésien et turc, elle incite à observer comment la situation va évoluer, tout en croyant que «la Tunisie évolue dans le bon sens».
Heureux hasard de calendriers, dans le même temps, Tariq Ramadan déclarait lors de sa conférence tunisienne: «Votre démocratie n’est intéressante que si elle rapporte. On se moque de la dictature si la dictature rapporte. On se moque de l’islamisme si l’islamisme rapporte!». Et à la lecture de son livre et du décodage stratégique qu’il fait des soulèvements de la région, l’intervention de la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, prend tout son sens.