Mémoires informatiques : la fuite en avant technologique ou la faillite

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écialilste japonnais des mémoires informatiques DRAM, le 6 février 2009 à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[28/02/2012 07:23:11] TOKYO (AFP) Le dernier spécialiste japonais des mémoires informatiques DRAM, Elpida Memory, a déposé le bilan lundi, acculé par une conjoncture infernale dans laquelle les acteurs du secteur n’ont que deux solutions: la fuite en avant technologique ou la faillite.

Elpida a été créée fin 1999 en tant qu’unique fabricant nippon de DRAM, via le regroupement des activités afférentes de NEC et Hitachi, rejointes ensuite par celles de Mitsubishi Electric. Cette opération de consolidation était déjà un acte de survie, après le renoncement de Fujitsu et Toshiba.

Les Nippons étaient des champions du secteur dans les années 1980, avec 80% du marché mondial des DRAM, chiffre insupportable pour les Etats-Unis au point d’entraîner une véritable “guerre industrielle des semi-conducteurs”.

Toutefois, les Japonais sont depuis la décennies 1990 eux-mêmes vaincus par les fabricants sud-coréens et menacés par les taïwanais.

Au milieu de la décennie 2000, l’offre a fini par largement dépasser la demande, tout le monde dopant ses capacités de production dans l’espoir d’une forte croissance tirée par les ordinateurs personnels.

Au début de l’année 2007, le prix de la DRAM a commencé à tomber fortement, une diminution amplifiée par la chute brutale des commandes engendrée par la récession internationale de 2008-2009.

Prise dans cette spirale et en grandes difficultés financières, Elpida, qui a délocalisé une grande part de sa production à Taïwan, a alors reçu une bouffée d’oxygène de la part du Ministère japonais de l’Economie. Objectif: maintenir une supériorité technique et accroître la productivité, une fuite en avant jugée vitale.

Las, “malgré une restructuration et l’expansion des parts de marché par l’extension des budgets de recherche et l’investissement dans des usines et équipements de pointe, nos affaires sont allées de mal en pis”, a déploré lundi Elpida.

Le groupe évoque la flambée du yen et la décrue permanente des prix sur fond de concurrence de plus en plus féroce et de stagnation de la demande.

“Le prix d’une mémoire DRAM n’est même pas celui d’un nigiri (boule de riz fourrée vendue autour d’un euro)”, se désole son patron, Yukio Sakamoto.

Si la firme est encline à blâmer les circonstances extérieures, d’aucuns reprochent à Elpida de ne pas avoir perçu à temps la transition des besoins vers les DRAM pour téléphones mobiles multifonctionnels (smartphones), contrairement au sud-coréen Samsung Electronics.

Fin 2011, la part du marché mondial des DRAM contrôlée par Elpida ne dépassait pas 12% quand celle de Samsung, qui investit à tout va, se situait à 45%.

De plus, Elpida n’aurait pas assez exploité ses atouts technologiques tels que la capacité de graver ses puces avec une largeur de trait de 20 nanomètres, une compétence rare nécessitant des investissements massifs que le groupe a trop lésiné à mettre en oeuvre.

“Dans ce domaine, si on n’investit pas en masse, on ne gagne pas. De surcroît, c’est lors des périodes de vache maigre qu’il faut mettre le paquet”, commente un expert du groupe d’informations économiques Nikkei.

Sentant venir la faillite et menacé d’abandon par les banques et pouvoirs publics sauf à lancer une profonde réorganisation, Elpida était en discussions avec de potentiels partenaires, à l’instar d’autres fabricants de DRAM en difficulté dans le monde.

Micron Technology vient ainsi d’injecter 5 milliards de dollars dans le taïwanais Inotera afin de porter de 10 à 40% sa participation au capital.

Elpida espère désormais qu’un chevalier blanc volera à son secours, lequel pourrait être Micron Technology, même si le récent décès accidentel du PDG de cette société américaine a retardé les négociations entamées il y a plusieurs mois.

Samsung, numéro un du secteur et qui a des chances de profiter de la déconfiture d’Elpida, a pour sa part confié ne pas être intéressé par le sauvetage de son concurrent en péril. L’autre sud-coréen, Hynix, ne semble pas davantage sur les rangs, disposant lui aussi de technologies plus performantes qu’Elpida. Quant aux industriels taïwanais, ils sont aussi en mauvaise posture.