Ali Larryedh, ministre de l’Intérieur, a déclaré la semaine écoulée sur les ondes de la Radio Shems Fm que les médias sont en train de peindre une image volontairement «déformée de la situation si bien que les touristes et les investisseurs étrangers ne veulent plus venir en Tunisie», qu’ils ont l’impression «qu’il y a une guerre dans le pays». Il a demandé aux médias d’en «donner une image réelle». Se rend-il compte seulement que cette image est celle de la réalité d’un pays qui, malmené, n’est plus capable de rassurer ses propres concitoyens ni gouvernants, semble-t-il!
Un ministre de l’Intérieur qui exhorte au retour des touristes en accusant aussi grossièrement les medias de son pays est loufoque comme approche pour relancer la destination et surtout inefficace. Au lieu de rassurer le gouvernement, et Ali Larryedh à sa tête, après la prestation de ces troupes durant la manifestation de l’UGTT, affichent exaspérations et démultiplient leurs aveux d’incompétences. Ils finissent par s’auto-réduire à des pompiers pyromanes.
L’actualité de ces derniers jours est accablante. Par quoi commencer? Que les inondations et intempéries sont des catastrophes naturelles. Personne n’en doute, mais qu’un gouvernement ne soit pas capable de les gérer, c’est une preuve d’incompréhension des mécanismes de gestion d’un Etat. Le peuple hurle sa colère quand une partie de sa terre coule littéralement. Les Tunisiens reçoivent un message brouillé autant que brouillant de ses gouvernants qui s’occupent de la Syrie.
Bien qu’annulant son déplacement à Mateur, le chef du gouvernement a fait preuve d’un peu de compassion en daignant aller finalement à Bou Salem. Il y a promis des réponses mais n’a surtout pas raté l’occasion de lancer une énième accusation en discréditant cette fois-ci la manifestation de l’UGTT en mentionnant que «des milices de Ben Ali et des hommes d’affaires de Sousse» y participaient.
Si les milices de Ben Ali dérangeaient tant, pourquoi ne pas chercher à en traiter le grain de l’ivraie et avoir fait autant profil bas en Arabie Saoudite en n’en demandant pas son chef? Si l’entreprenariat est autant coupable, pourquoi ne pas accélérer le traitement des dossiers qui paralysent la reprise économique du pays? Si toutes les forces vives du pays sont contre vous, comment allez-vous gouverner et avec qui? Isolé ou presque, où allez-vous mener le pays?
Des voix au sein de la Troïka expriment leurs distances par rapport à la prestation gouvernementale. On n’explique pas que l’on annonce un bouquet de 100 projets de 10 MDT chacun sur une partie des régions du littoral. La répartition des investissements sur les régions de l’intérieur fondent comme la neige au soleil qui les coule.
On n’explique pas non plus les incessantes attaques contre les journalistes, que ce soit durant la manifestation de la Centrale syndicale ou pendant le sit-in devant l’Etablissement de la Radio Nationale. Pourtant, faisant leur apprentissage, ils ont repris en masse les déclarations du gouvernement comme celle notamment du ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalem: Espérons seulement que les intérêts ne feront pas les principes!
Après s’en être pris à la gauche et aux medias, Hamadi Jebali s’en prend ouvertement à la Centrale syndicale. A quoi joue-t- on si ce n’est pas à celui qui fait le plus peur? Le gouvernement accélère son propre isolement. Cherche-t-il l’escalade?
Avec son incapacité à rassembler, agir et réagir, il ne livre aucune feuille de route, ne parvient pas à prioriser les urgences et rassurer les partenaires étrangers de la Tunisie. Les déclarations des diplomates internationaux, comme celle de l’ambassadeur d’Allemagne, attestent des bonnes intentions émanant du gouvernement Jebali, sauf que ceux-ci attendent des actes qui ne viennent pas, du moins pas encore. Ennahdha au pouvoir n’est-elle pas en train de pousser vers l’impasse le pays?
Pour en revenir au tourisme qui doit impérativement repartir, il faut travailler à rassurer, rétablir la paix et surtout donner envie. Mais est-ce avec une diplomatie belliqueuse et une attitude telle que celle menée par Rached Ghannouchi proposant son aide aux islamistes algériens que l’on va garantir leur venue (les touristes) pour la saison 2012?
Pour faire repartir la machine touristique, il faut se tourner vers les entreprises et les soutenir à garder la tête hors de l’eau en délestant le secteur des obstacles autant que des établissements défaillants. Au lieu de faire chanter les rappeurs, on les met en prison, au lieu d’inciter à faire construire des hôtels et ouvrir des restaurants, on incendie des postes de police, au lieu de rassurer, on autorise une association pour la vertu et contre le vice. Qui osera mettre en place un programme d’événements de grande envergure pour amorcer une reprise? Qui assurera la sécurité des estivants ou des jeunes qui, cet été ou tout de suite, pourraient se laisser aller à danser, chanter et vivre leur âge selon ce qu’une certaine vision de la société baptise d’illégal, illicite, immoral, irrespectueux… Itunisien?
Où sont les libertés individuelles, lorsque Samir Dilou, ministre des Droits de l’homme, se permet aussi de nombreux égarements sur les droits des minorités et des libertés individuelles. Il y a quelques jours, Amnesty International lui adressait une lettre pour y exprimer son inquiétude et étonnement.
Comment la destination pourra-t-elle faire du tourisme si on jette en prison un journaliste pour une photo représentative de ce que font 4 millions d’Européens sur nos plages? Se reposer et être heureux en vacances avec leurs amis, épouses, conjoints, femmes et enfants. N’est-ce pas là ce qu’ils cherchent dans notre pays? Comment réagiront les opérateurs touristiques face aux extrémistes qui montrent leurs crocs si l’on s’en prend à toutes les blondes sulfureuses ou pas sur les plages de Hammamet, Djerba ou Sousse?
Que Hamadi Jebali reconnaisse ne pas avoir de «baguette magique», on s’en doutait. Mais si Ben Salem admet ne pas avoir de solutions pour l’université et qu’Elyes Fakhfakh fasse le dos rond depuis son opération de relance du tourisme avortée en fasse autant… quid du reste du gouvernement?
On dit souvent que contre l’adversité, il faut avancer groupé, or le gouvernement semble se tromper d’ennemis. Seules la pauvreté et de la faillite sont les adversaires de notre Tunisie, du moins pour le moment. Réfléchir «campagne électorale» ne portera que davantage le pays vers l’abîme.
Pour reprendre les propos d’un des bloggeurs les plus perspicaces du Net Tunisien: «En Tunisie de 2012, le gouvernement s’étonne que l’opposition fasse de l’opposition et les syndicats du syndicalisme». Serions-nous tentés de dire qu’un gouvernement, c’est fait pour gouverner et remettre le pays sur les rails. Il faut, pour cela, commencer par lever toutes les équivoques sur la mainmise que fait Ennahdha sur les institutions de l’Etat dans cette phase de transition…
Pour que les touristes reviennent, monsieur le ministre de l’Intérieur peut-être devriez-vous commencer par vous demander ce que vous, à la tête de l’une des plus grosses machines de l’Etat, n’a pas su ou voulu faire. Pour que les touristes reviennent, il faudrait commencer par sortir le gouvernement du «tourbillon» dans lequel il se trouve selon l’adjectif du président de la Constituante, Mustapha Ben Jaafar
Ce n’est qu’en mettant les jalons d’une vraie démocratie et non en s’évertuant à en tuer l’embryon que la Tunisie en sortira grandie, libre et indépendante. Alors qu’il s’agit de poser les jalons d’une démocratie, tout tend à croire que nous allons vers la confrontation et la dictature. A moins que …