L’événement monétaire, ces jours-ci, a été incontestablement la nouvelle dépréciation du dinar par rapport à la principale monnaie de référence: l’euro. Le cours de cotation de la monnaie européenne par rapport au dinar tunisien a franchi, fin février 2012, la barre symbolique, voire psychologique des 2 dinars contre 1 euro en 2001.
En théorie, une telle dépréciation à des avantages et des inconvénients. Une dimension positive, à court terme, en ce sens où cette dépréciation vise à préserver la valeur du dinar en maîtrisant l’inflation, à corréler la croissance de la masse monétaire avec celle de l’activité économique et à booster les exportations, l’ultime objectif étant la réalisation d’un meilleur équilibre de la balance des paiements.
Plus simplement, la baisse des prix à l’exportation doit permettre un accroissement du volume des ventes, tandis que la hausse du prix des importations (consommation importée), doit les décourager. Ces changements doivent permettre, en principe, une amélioration de la balance commerciale.
Elle a une dimension négative dans la mesure où elle va générer une «inflation importée», en raison de la hausse du coût de la facturation libellée en euro des produits importés (biens d’équipements, matières premières, semi-produits, pièces de rechange…) et augmenter le coût de la dette extérieure, sachant que 60% de la dette de la Tunisie est libellée en euro.
Toutefois, cette nième dépréciation n’est guère surprenante dans la mesure où elle est structurelle depuis les années 80, la BCT ayant opté pour un dinar faible, c’est-à-dire pour une monnaie qui se déprécie régulièrement face aux monnaies fortes.
Trois périodes méritent d’être signalées, à ce propos. De 1983 à 1991, le taux de change effectif nominal (TCEN) du dinar a connu une période de dépréciation d’un peu moins de 5% par an.
A l’inverse, tout au long des années 90, le taux de change effectif réel (TCER) du dinar est resté beaucoup plus stable, avec une dépréciation moyenne d’environ 1% par an.
Depuis 2001, le dinar s’est déprécié par rapport à la monnaie européenne à un rythme moyen annuel de 5%, avec une pointe de 8,6% en 2003 et une baisse de 4,1% en 2005. L’euro qui s’échangeait en 2001 contre 1,1 dinar s’échange aujourd’hui contre 2,005 dinars, soit une augmentation de 50% en dix ans environ.
Néanmoins, cette “dépréciation-dopage des exportations’’ a tendance à durer dans le temps. Elle n’est plus dictée par des exigences conjoncturelles, tel que le temps matériel exigé soit pour passer d’une économie régulée à une économie de marché (période du Plan d’ajustement structurel), soit pour stabiliser une économie nationale ébranlée par la révolution, comme c’est le cas de nos jours (pressions sur les réserves en devises en 2011).
La dépréciation semble devenir le sport favori des locataires de la BCT. Certains analystes y voient une solution de facilité. La BCT semble sombrer, depuis plus de trois décennies, dans ce cercle vicieux de la dépréciation. D’où l’enjeu d’enclencher un débat sur l’avenir du dinar autour de trois alternatives majeures.
Faut-il opter pour un dinar faible aux fins de favoriser les exportations pour conquérir des parts de marché? Ce dossier se défend bien. Est-il nécessaire de rappeler ici, à titre d’exemple, que les miracles allemands et japonais n’ont été rendus possibles que par la dévaluation du mark et du yen sur la période 1949-1965 pour le premier, et jusqu’au milieu des années 80 pour le second.
Faut-il, au contraire, opter pour un dinar fort qui favorise les importations et la crédibilité du pays auprès des investisseurs étrangers et des marchés financiers? Ceux-ci sont attirés par une monnaie “forte” car elle a comme corollaire une montée des taux d’intérêt, lesquels taux d’intérêt se traduisent par la rentabilité accrue du capital, qui peut ainsi se (re-)valoriser.
Faut-il enfin opter pour le modèle américain qui laisse le taux de change dépendre des fluctuations du marché?
A méditer.