Notre terre ne doit pas être considérée comme un héritage légué par nos ancêtres mais plutôt comme un prêt octroyé par nos enfants. L’exploitation abusive des énergies a, malheureusement, contribué à raréfier et compromettre les ressources naturelles. Aujourd’hui, il est de notre devoir de réparer ces dommages, de protéger l’environnement, de gérer les risques et de trouver d’autres alternatives. C’est ce qu’on qualifie d’économie verte. Le souci majeur aujourd’hui est l’adoption d’un modèle politique qui, tout en respectant l’environnement, réalise une croissance économique.
Le 29 février 2012, le Centre méditerranéen des énergies renouvelables et l’Université de Tunis El Manar ont organisé un lectio magistralis donné par Corrado Clini, ministre italien de l’Environnement, de la Terre et de la Mer, à l’auditorium El Khawarizmi de la Cité des sciences de Tunis portant sur «l’économie verte dans la nouvelle Tunisie vers la croissance durable».
Pourquoi parle-t-on de renforcement de l’économie verte en Tunisie?
Selon le Centre méditerranéen des Energies Renouvelables (MEDREC), le modèle économique ayant été adopté par la Tunisie entraîne des coûts annuels de la dégradation de l’environnement estimés aux alentours de 3% du PIB. En effet, les phénomènes d’érosion des sols et du manque d’eau provoquent des coûts estimés à 100 millions de dollars américains chaque année.
Le littoral tunisien, principale source d’emploi pour beaucoup d’habitants (pêche, tourisme, industries…), est en proie à la pollution allant jusqu’à l’interdiction de baignade à Sfax depuis 1978. De plus, la Tunisie est un pays où les sources d’eau douces manquent dans la mesure où la disponibilité en eau pour chaque habitant est inférieure à la moyenne pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
La Tunisie est aussi connue pour avoir un climat aride pouvant entraîner des pertes en terres agricoles et éventuellement menacer sa souveraineté alimentaire.
Ne pas investir davantage dans la prévention de tels phénomènes ne peut qu’entraîner une augmentation des coûts dus au manque en eau et en énergie. Suite à la mutation économique et politique connue par la Tunisie, il est nécessaire de repenser le modèle économique en y intégrant l’environnement.
Quelles sont les mesures à adopter?
Selon, Corrado Clini, augmenter la croissance économique du pays passe sans doute par la diminution des coûts d’utilisation des ressources naturelles. «L’économie verte est alors proposée comme une alternative dont l’objectif est de réaliser une croissance sous contrainte de l’existence des ressources rares et d’une population importante. On doit certes s’inspirer des pays européens, mais il est nécessaire d’éviter les erreurs commises».
En effet, la Tunisie devra mener des mesures visant à la conservation de l’eau, à son dessalement et à sa dépuration. Elle devra aussi remédier à l’importation des énergies en investissant plus dans la création de ressources renouvelables aussi bien solaires qu’éoliennes. En effet, la Tunisie a commencé l’investissement dans l’énergie solaire en adoptant le mécanisme PROSOL depuis 2004. Ceci a engendré la création de 1.400 emplois permanents.
«La Tunisie peut devenir un pays solaire, une plateforme de source énergétique pouvant aussi bien satisfaire les besoins domestiques en consommation d’énergie que les besoins d’autres pays via l’exportation. Ceci est une solution efficace pour obtenir de l’énergie à un bon prix».
Notons cependant que la Tunisie n’est pas novice dans le domaine des énergies renouvelables comme l’a fait remarquer une personne du public suite au débat avec le ministre italien. «La Tunisie a une mémoire énergétique qu’il faut protéger et transmettre». Faut-il le rappeler que la photovoltaïque existe en Tunisie depuis 1980 et que des prototypes de chauffe-eaux solaires ont même été réalisés par la simple initiative de chercheurs tunisiens. Ce qui manque sans doute à la Tunisie c’est le financement public dans ce domaine. En effet, les technologies des énergies renouvelables ont un coût très élevé et sont jalousement gardées par les pays producteurs.
Suite à la visite de Corrado Clini, un accord de renforcement de la coopération dans le domaine des énergies renouvelables et du développement durable a été signé entre la Tunisie et l’Italie. On parle d’un agenda de travail commun entre les deux pays dont la réussite nécessite la contribution de toute la société civile. Des efforts sur le plan de l’éducation et de la recherche scientifique dans le domaine de l’économie verte sont prévus.
Notons qu’aujourd’hui tout se met au vert. Que l’on parle de finance verte ou même de marketing vert, la logique reste la même dans la mesure où l’environnement est au cœur de la problématique. Faudra-t-il encore trouver les moyens d’intensifier l’introduction de ces notions dans nos écoles et nos universités pour sensibiliser les jeunes, à savoir les consommateurs de demain à la relation économie/ environnement.