Pourquoi nos rues sont si sales ? Pourquoi les façades d’immeubles ou de maisons sont-elles sales, etinesthétiques ?? Pourquoi nous portons presque tous des vêtements de couleursombres ? Pourquoi tout le monde –ou presque- est stressé, court et est agressif ? Je ne parle pas des quelques quartiers riches, je parle de la majorité de nos villes… Oui, je suis d’humeur philosophique aujourd’hui.
Il faut bien attaquer, et réfléchir à l’essentiel.
La saleté, l’anarchie et l’inesthétique…
J’ai eu cette (mauvaise) idée d’aller me promener dans une ville réputée pour être capitale de la civilisation arabo-musulmane en Tunisie et au Maghreb, Kairouan.
Mauvaise idée, car j’ai eu ma dose, de saleté, de pollution, d’anarchie, et de mauvais goût. J’ai commencé à respirer cet air mélangé à la poussière avant même l’entrée à la ville. Ensuite, et au détour des deux, trois grandes artères, je suis foudroyée par la quantité incroyable de poubelles qui jonchent par terre, papiers de pots de yaourt, plastics en tout genre, et autres combinaisons que je suis incapable de transcrire sur le papier.
Je suis allée à la médina, à la recherche de produits artisanaux. J’ai découvert, non pas une médina, un «bled arbi», une configuration anarchique, monstrueusement inesthétique, de briquets, de coupe-ongles, de sacs et de portefeuilles en contrefaçon.
Les boutiques qui vendent des tapis se comptent sur les doigts d’une seule, celles qui vendent le makroudh heureusement sont assez nombreuses (comme quoi nous sommes un peuple qui peut tout oublier de la grandeur de sa culture, sauf son ventre…). Restent les bijoutiers et les quelques artisans de nhass. Le tout noyé, devenu presque invisible, sous la masse de ces produits importés de je ne sais où, produits sans aucune valeur ajoutée, et certainement sans cette empreinte culturelle que je recherchais… Des produits exposés sur des planches de contreplaqués. Sur la chaussée. Quelle misère!
Quelle misère que ce spectacle. J’ai quand même visité les «musts», c’est-à-dire la Grande Mosquée, le Sidi Sahbi, et la Faskia. Mais on est loin, très loin, de ce que devrait être une ville, avec une histoire aussi riche. Grosse déception !
La saleté, un symptôme dépressif
Je ne peux penser que cette ville était aussi sale à toutes les époques. Car la
saleté est, à mon avis, un symptôme dépressif. Tous les psychologues disent que
le tableau de la dépression se caractérise par le laisser aller du sujet, une
baisse de l’estime de soi. Le sujet ne se lave plus, ne se rase plus, ne se
coiffe plus, etc. Il n’a plus d’énergie ni d’envie pour le faire. Il a une si
mauvaise idée de lui-même qu’il ne veut plus rien faire.
Et les visages, et les gens… que dire? Je sens une tristesse et un stress
latents, des tenues en gris, noir, marron. Des couleurs hybrides que je ne sais
pas nommer, et qui sont tous sauf couleur en fait. Des tenues si inesthétiques,
on dirait que c’est fait exprès. Je ressens un déni du corps, ou de la beauté,
en général, comme valeur.
Les filles/femmes voilées portent ces vêtements amples
tirés de la tradition des pays du Golfe, «La Abaya», mais sans toute
l’esthétique, le raffinement, ou le charme… de ce qu’était le sefseri avant.
Ajoutés à cela une impression de vitesse, d’urgence, un stress qui est factice à
mon avis, car induits par des pseudos urgences du quotidien, qui se répètent à
l’infini. Et qui ne sont pas si urgentes à bien réfléchir.
Avant, c’était mieux…?
Plusieurs personnes d’un certain âge me racontent -et vous devez aussi
certainement avoir entendu cela dans votre entourage- qu’avant, il y a 30 ou 40
ans, les médinas étaient si belles, si propres, avec plein d’artisans qui font
du beau travail, avec des femmes en Sefseri et en hayek. Si beaux et si uniques
ces tissus et ces tenues riches de sens et de culture …
Les femmes tirées à quatre épingles, se promenant avec leurs enfants dans les
poussettes. Jamais on n’entendait de gros mots, et le souci de l’esthétique
était capital, partout, dans les trottoirs, dans les vitrines, dans les façades
des immeubles, dans les jardins, partout.
Comment en est-on arrivés là?
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