Mohamed Ben Romdhane a été blessé le 18 janvier 2011. Il est devenu le premier blessé de la révolution à mourir par faute de soins depuis plus d’un an. Karima Siouid, députée Ettakatol, l’a annoncé, la voix grave. Mustapha Ben Jaafar du haut de son perchoir a failli lui couper la parole.
Il a répliqué que cette précision se devait d’être vérifiée. Déni de la réalité, autisme ou dédain? Les appels de détresse, les appels urgents de la société civile n’ont servi à rien. Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut voir.
Le gouvernement BCE pas plus que celui issu des élections du 23 Octobre ne semblent prendre en considération les urgences des Tunisiens. A l’image du pays agonisant, ce blessé de la révolution est un coup de tonnerre supplémentaire qui gronde face aux singeries d’une opposition éclatée, inaudible et pas crédible. Il sanctionne les pitreries d’un gouvernement qui incendie tout sur son passage en multipliant les accusations maladroites et tendancieuses. Le tout reflète que les priorités de cette Assemblée constituante, à la dérive et de ce gouvernement qui se débat, sont ailleurs.
Avec un esprit revanchard, des luttes intestines et des règlements de compte, quelle image donnons-nous au monde et à nous-mêmes? Interloqués, peuple et élites ne comprennent pas qu’on les jette avec l’eau du bain.
Entre un président provisoire qui se fait huer à chacune de ses sorties et qui, visiblement, ne peut rien mettre dans son burnous sans poches, des ministres qui passent leur temps à insulter, dénigrer et accuser les médias ou la centrale syndicale, et un chef de gouvernement qui se devait d’être au rendez-vous pour présenter sa feuille de route mais qui finit par poser un lapin aux Tunisiens, où va le pays?
Le rouleau compresseur d’Ennahdha est en marche. Il confirme tous les jours un peu plus sa mainmise sur l’Etat et traîne à passer au plus important, à savoir: la rédaction de la Constitution, une date d’élection, une confirmation des fonctions de l’ISIE, en multipliant les diversions dans lesquelles s’engouffrent la société civile et les partis politiques.
Surestimant sa force et sa représentativité dans la rue, dans sa marche, le parti islamiste au pouvoir s’attaque à tout ce qui lui résiste et dévore ses propres alliés comme le CPR qui éclate et Ettakatol qui s’effrite. Sur son chemin, il est aidé par un Mustapha Ben Jaafar qui semble dépassé et ne s’acharne plus qu’à stigmatiser l’opposition. Quelle triste image que celle de l’Assemblée vide d’avant-hier! A quoi jouait-on si ce n’était à s’auto-féliciter? Ben Jaafar, en usant et abusant de sa position, veut être pouvoir et opposition. A force de décrédibiliser autrui, c’est toute l’Assemblée et son travail qu’il phagocyte.
La Constituante se doit d’être l’espace de construction de tous les avenirs, un espace de contestations et d’apprentissages. Un réceptacle des aspirations. Comme Mohamed Ben Romdhane, elle a été grièvement blessée… Alors, veillons à ne pas la laisser mourir!