à Hambourg le 17 janvier 2012 (Photo : Johannes Eisele) |
[06/03/2012 11:59:45] PARIS (AFP) Alors qu’il doit présenter jeudi des résultats prometteurs, le géant européen de l’aéronautique EADS qui cherche à s’émanciper des pouvoirs politiques qui l’ont créé est en butte aux attaques de Berlin.
Français et Allemands sont les plus gros actionnaires du groupe d’aéronautique et de défense né en 2000 de la fusion d’actifs industriels français, allemands et espagnols.
Le gouvernement allemand, pourtant officiellement hostile à tout interventionnisme dans l’industrie, multiplie les pressions pour “rééquilibrer” à son profit la maison mère d’Airbus, perçue comme trop française.
C’est que l’Allemand Tom Enders, qui prendra la direction du groupe à l’été, a annoncé qu’il allait concentrer sur Toulouse, le principal site d’EADS, des fonctions de direction encore distribuées entre Paris et Munich.
Du coup, le coordinateur du gouvernement allemand pour l’aéronautique, Peter Hintze, l’a sommé de renforcer l’activité industrielle en Allemagne et de confier plus de postes de direction à des Allemands.
Des exigences repoussées par EADS qui a fait savoir en retour, comme pour marquer son indépendance, qu’il pourrait se passer d’un prêt de 500 millions d’euros accordé par Berlin pour le développement du nouveau long-courrier A350.
D’après le journal Handelsblatt de mardi, qui cite des sources proches du gouvernement, Berlin entend même désormais nommer un membre du conseil d’administration du groupe. Il laissait jusqu’à présent ce rôle à l’actionnaire industriel Daimler.
A la fin de l’année dernière, Tom Enders, qui veut faire d’EADS “une société comme une autre”, indépendante des Etats, a repoussé les suggestions de Paris qui espérait modifier à son profit la répartition des postes de direction.
“EADS est comme un enfant qui essaie de s’émanciper de ses parents”, explique Christian Mölling, expert du think-tank Stiftung Wissenschaft und Politik. “Toute son histoire a été d’empêcher les gouvernements de se mêler de ses affaires”.
“Vu de Paris ou de Berlin, EADS n’est plus leur société, c’est celle de l’autre, et il faut donc se concentrer sur la préservation des emplois domestiques”, poursuit M. Mölling.
économique mondial à Davos, en Suisse, le 25 janvier 2012 (Photo : Vincenzo Pinto) |
“Crispation franco-allemande”
Tout en soulignant qu’il recrute en fonction des compétences et pas du passeport, le groupe maintient d’ailleurs l’équilibre entre les deux pays. Fin 2010, il employait 44.000 personnes en Allemagne contre 48.580 en France.
Jean-Pierre Maulny, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), constate “une crispation franco-allemande très importante” sur EADS.
D’autant qu’Airbus, la plus grosse division d’EADS, “fonctionne bien mais est perçue comme française, alors que la division défense, Cassidian, dont 80% de l’activité est basée en Allemagne, a les moins bons résultats du groupe”, relève-t-il.
M. Mölling doute cependant que le gouvernement allemand mette ses menaces d’intervention à exécution. “Si on en arrivait là, ce serait vraiment un tournant” dans la politique industrielle allemande, dit-il.
“A moyen terme, selon lui, Tom Enders va réussir parce qu’EADS n’appartient pas à un pays ou à un autre, c’est un exemple de compagnie qui se mondialise réellement et qui ne fait plus l’essentiel de ses affaires en Europe”.
“C’est un Allemand qui va diriger le groupe, il va pouvoir affirmer haut et fort ce qu’il veut, et il est volontaire”, estime Christophe Menard, analyste chez Kepler Capital Markets.
“Mais du point de vue des investisseurs ce n’est jamais bien ce genre de choses, ça brouille le message”.
EADS doit annoncer jeudi ses chiffres pour 2011. Les analystes s’attendent à ce que le résultat opérationnel dépasse sa prévision de 1,3 milliard d’euros. Et son patron Louis Gallois, qui passera la main à Tom Enders, a promis “une amélioration significative” de ce résultat en 2012.