L’annonce, depuis quelque temps, de l’éventualité de prendre en compte la Chariaâ islamique en tant que référence de base de législation dans la Constitution suscite de plus en plus d’appréhension dans le rang des femmes, et particulièrement les femmes actives dans le domaine des droits de l’homme.
Prudent ou conciliateur, le premier réflexe de ces femmes est: «Bienvenue à la Chariaâ dans la Constitution, pourvu qu’elle ne touche pas aux droits de la femme». Tout le hic, en fait, est là: faudrait-il moderniser l’esprit de la Chariaâ et l’assimiler à celui du CSP (Code du Statut Personnel), ou devrait-on faire table rase des acquis de la femme tunisienne et la renvoyer à sa condition primitive? Trouver le juste milieu, voilà le nœud inextricable.
Le deuxième réflexe, pour la majorité d’entre elles, paraît ferme et inflexible: «Nous ne cèderons jamais! Nous lutterons inlassablement pour la préservation de nos droits! Personne, quel que soit son rang, ne pourra jamais nous confisquer nos droits!». Plus ou moins rassurant, le troisième réflexe invite au calme: «Mais nous ne sommes pas encore là, ce n’est qu’une proposition pour le moment, et rien ne dit qu’on va s’acheminer tout droit vers la Chariaâ dans la Constitution».
Que reproche-t-on au juste à la Chariaâ?… Certaines évoquent les pratiques en usage dans quelques pays arabes et qui semblent inspirées de la Chariaâ, à savoir: la ségrégation entre l’homme et la femme; la déchéance de la femme de tous ses droits; le déni fait à la femme de choisir librement son conjoint; la non-scolarisation des filles; la non-reconnaissance à la femme de son droit de disposer librement de son corps et jusque de son destin; etc.
Pour sa part, Mme Olfa Youssef, universitaire et chercheuse, estime que la Chariaâ dans la Constitution ne constitue nullement un danger puisque le CSP lui-même s’inspire dans une large mesure de la Chariaâ. Tout le danger, considère-t-elle, réside essentiellement dans l’interprétation et la lecture qu’on fait de la Chariaâ («C’est la lecture wahhabite de la Chariaâ qui pourrait poser problème»), ajoutant que «la femme tunisienne a aujourd’hui besoin d’une Constitution qui reconnaisse sans ambages les droits de la femme et, par extension, de toute la famille».
D’autres voix s’élèvent pour prévenir du risque de voir la société tunisienne tomber dans le piège de la discorde et la division sous l’effet de l’application de la Chariaâ à des fins insidieuses. Enfin, nombreuses sont celle qui préconisent de légiférer des lois constitutionnelles dont le référentiel repose sur la Déclaration internationale des droits de l’homme, et ce sans réserve aucune.
Aujourd’hui, la situation semble s’acheminer vers la création d’un noyau parlementaire féminin à dessein de préserver les droits de la femme tunisienne.