Grèce : les petits porteurs entrent en résistance contre l’échange de dette

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ènes (Photo : Louisa Gouliamaki)

[07/03/2012 17:35:50] ATHENES (AFP) Qu’ils aient opté pour une valeur refuge patriotique ou fait les frais de la créativité comptable de l’Etat, les petits détenteurs grecs d’obligations sont entrés en résistance contre l’opération d’échange de dette qui lamine leurs budgets familiaux après deux ans d’austérité.

“Nous souhaitons le succès du PSI”, du nom donné à la gigantesque opération internationale en cours portant sur l’effacement de 106 milliards d’euros de créances grecques, “mais il n’est pas normal que nous passions deux fois à la caisse, comme contribuable et comme épargnant”, s’agace l’économiste Iannis Marinopoulos, l’un des quelque 11.000 petits porteurs concernés.

Alors que le feu vert du gotha bancaire et spéculateur mondial à la restructuration est attendu avec anxiété pour jeudi soir, M. Marinopoulos vient tout juste de fonder, avec quelque 400 compagnons d’infortune, une Association de personnes privées détentrices d’obligations grecques.

Objectif: réclamer des indemnisations “à hauteur du prix d’achat” des titres qui seront inclus dans l’opération sans qu’ils puissent s’y opposer.

Ne perdant aucune occasion de rendre hommage au “patriotisme” de ces investisseurs, le ministre des Finances, Evangélos Vénizélos, “s’est engagé à des dédommagements une fois l’opération menée à bien, mais comme les élections approchent, c’est maintenant ou jamais qu’il faut les arracher”, déclare M. Marinopoulos à l’AFP.

Les montants concernés sont faibles, 2,3 milliards d’euros au total, moins de 1% du total des créances grecques concernées par l’opération, dont beaucoup acquis selon lui “quand l’Etat grec s’est mis en 2009 après la crise financière à faire la pub de ses obligations, en les présentant comme des valeurs sûres et rentables”.

“Mais les pertes sont disproportionnées pour des individus et familles”, plaide-t-il: “pour 100.000 euros investis, il faudrait accepter une perte sèche de 54.000 euros et le renvoi jusqu’en 2042 du remboursement du reste, nous ne sommes pas des banques séculaires pour pouvoir amortir un tel choc”.

“Si on ne trouve pas de solution, mes deux enfants devront arrêter leurs études”, affirme pour sa part Kléanthis Tratra, 52 ans, ancien ingénieur de la compagnie aérienne Olympic airlines, qui appartient à une sous catégorie d’investisseurs encore plus mal lotie, celle des 4.100 ex-employés du transporteur, licenciés en 2008 avant sa privatisation.

En 2010, ses indemnités de licenciement lui ont été versées par l’Etat sous forme .. d’obligations souveraines grecques, qui vont devoir subir la décote de 53,5% prévue dans l’opération de restructuration.

Sur un total de 90 millions d’obligations distribuées aux salariés licenciés, Kléanthis devait toucher 50.000 euros en 2012, désormais susceptibles de fondre à “3.000 euros dans deux ans, puis 28.000 d’ici 2042”. “Je ne serai plus là, ce sera du solde de tout compte”, lâche-t-il, dépité.

“Il est scandaleux de nous traiter comme des spéculateurs, ou même de simples investisseurs, nous voulons simplement recevoir cet argent en liquide, sans aucune ristourne”, martèle-t-il. Leur Union vient d’adresser une mise en demeure au ministère des Finances et à la banque gérant ces titres.

Pour ces Grecs, le coup est d’autant plus dur qu’il s’ajoute à deux ans d’érosion des revenus au fil des mesures d’austérité (hausses d’impôts et taxes, baisses des retraites et salaires) dictées au pays par l’UE et le FMI.

“Ceux qui ont tablé sur ces investissements pour contracter des prêts se retrouvent dans des situations très difficiles”, affirme M. Marinopoulos. Pour qui l’Etat joue aussi gros en trahissant ainsi la confiance de ses citoyens, “alors même qu’il demande aux Grecs de rapatrier l’argent” mis à l’abri de la crise en Suisse et à l’étranger.