“Fuites” sur les résultats le jour du vote : un risque réel, des effets négligeables

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Le logo de twitter (Photo : Kimihiro Hoshino)

[09/03/2012 10:59:21] PARIS (AFP) Cette année plus que jamais, les tendances des résultats de l’élection présidentielle vont tourner en boucle sur la toile dès dimanche 22 avril après-midi, alors même que des centaines de milliers d’électeurs n’auront pas encore voté. Pour certains, cela pourrait fausser le scrutin, pour les spécialistes, non.

En 2007 déjà, et à un moindre degré en 2002, les estimations des instituts de sondages avaient été relayées par des sites internet belges et suisses, notamment, mais aussi, de manière subliminale, sur quelques blogs tenus par des Français.

“17H00 – Premiers indicateurs: Le ciel est bleu en Suisse”, écrit Embruns.net, en référence à la couleur de la campagne du candidat Sarkozy. “Météo de 17 heures 30 (…) Le taux d’humidité est à 54%”.

Aujourd’hui, l’échelle est toute autre, puisqu’on estime à 23 millions le nombre de comptes Facebook et à trois millions celui des compte Twitter en France. Or, ces messages se propagent à la vitesse grand V.

La diffusion de résultats d’élections générales, même partiels, y compris par voie électronique, est interdite avant la fermeture du dernier bureau de vote. De même que la diffusion de sondages sur l’élection, la veille et le jour du scrutin, et d’estimations des résultats. C’est un délit puni par une amende de 75.000 euros.

Mais cela ne s’applique pas aux médias étrangers. Ceux-ci vont récidiver. Joël Marchetti, rédacteur en chef adjoint de Radio Télévision Suisse, l’assure déjà: dès qu’elles seront disponibles, les tendances seront diffusées sur le site “dans le simple but de remplir notre mission d’information”. Même chose au quotidien suisse Le Temps et à La Libre Belgique, également interrogés par l’AFP.

En France, les bloggeurs pourraient se lâcher, car ceux qui ont enfreint la loi en 2007 n’ont pas été inquiétés. “J’attends toujours les poursuites”, s’amuse Laurent Gloaguen (Embruns.net), qui moque une loi “obsolète et ridicule à notre ère”.

Et puis, “les spécialistes du +fake+, ces faux comptes Twitter, auront beau jeu d’en ouvrir par dizaines depuis n’importe quel cyber-café juste pour l’occasion et d’y tweeter allègrement les estimations. Bon courage pour les retrouver”, fait remarquer le journaliste Erwann Gaucher, spécialiste des réseaux sociaux.

D’ailleurs, au Canada, le gouvernement va demander au parlement de supprimer l’interdiction de toute information avant la fermeture des urnes, devenue “désuète et inapplicable” selon le secrétaire d’Etat Tim Uppal.

En France, des responsables de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale (CNCCEP), installée le 25 février, et de la Commission des sondages doivent évoquer ensemble le sujet mardi, selon celle-ci.

Au ministère de l’Intérieur, qui souligne qu’il est placé en la matière sous l’autorité de la CNCCEP, on affirme qu'”il y aura évidemment des rappels à la loi” et que “des dérives et abus qui pourraient être constatés seront sanctionnés”. Pour le reste, “il n’y a pas de moyens techniques de bloquer quoi que ce soit”, admet-on.

Dès lors, la divulgation “sauvage” d’informations les 22 avril et 6 mai pourrait-elle altérer la sincérité du scrutin ? Des spécialistes des réseaux sociaux s’en sont publiquement inquiétés.

“Que se passerait-il si, aux alentours de 17H00, l’information annonçant par exemple Marine Le Pen légèrement devant Nicolas Sakozy commençait à circuler?”, s’est interrogé Erwann Gaucher, évoquant le scénario d’une mobilisation express de sarkozystes sur les réseaux sociaux pour renverser la vapeur.

Dirigeant de l’institut de sondages Ipsos, Brice Teinturier récuse un tel scénario car “pour qu’il puisse y avoir un véritable effet, il faudrait un nombre colossal d’électeurs qui se surmobilisent dans la dernière heure en faveur d’un seul candidat”.

Son collègue de BVA Gaël Sliman juge plus gênantes “des intox délibérées de certains candidats, qui, pendant le vote, invoquent de pseudo-sondages sortis des urnes pour inciter les indécis à voter pour eux parce qu’ils seraient 2 points au-dessous” du score que leur prêtaient des sondages.