C’est parti. Le 3ème congrès du mouvement Ettajdid vient de débuter ses travaux, étalés du 9 au 11 mars 2012, dans la banlieue sud de Tunis, à l’hôtel Ezzahra. Les retrouvailles entre les militants sont toujours émouvantes. La plupart des régions sont représentées. Les congressistes, issus des sections de Kasserine, affichaient, de l’avis de plusieurs observateurs, une fière allure. Opposaient des postures dignes. Dégageaient un ascétisme militant indéniable. Une humilité déconcertante. Une austérité vestimentaire, liée à la dure réalité locale des régions intérieures. Pour une fois, me dit un vieux routier des salons politiques tunisois, avec ces gaillards-là, ces réprouvés, ces laissés-pour-compte de la croissance dans la famille démocratique de gauche, le messager se confond vraiment avec le message. Car, franchement, la majeure partie de l’assistance, en dépit de son ancrage autoproclamé en faveur des couches populaires et de la persistance d’un discours ouvriériste à volonté, renvoie plutôt l’image d’une élite diplômée, huppée, nantie, galonnée, souvent hautaine et arrogante, convaincue de pouvoir faire le bonheur du petit peuple, encore inconscient de ses intérêts(sic).
D’ailleurs, les invités de marque des assises du mouvement Ettajdid, pour la plupart des personnalités notoires de la société civile et politique du pays, des vedettes de l’intelligence, affirment certains zélés, mettaient un point d’honneur à occuper les premiers rangs de la salle du congrès. Devant le podium. Les caméras. Les micros. Pas question pour ces leaders des temps modernes de se confondre avec la masse des militants.
Hélas! Ce ghetto du gotha, affirme un communiste aux cheveux blancs, assis à mes côtés, bombe le torse mais danse à contre- tempo. Colle à la société du spectacle. Epouse une arène politique davantage dominée par les postures que par les statures. C’est ainsi que Habib Ghozdogli, doyen de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba, en butte depuis des mois à la fronde salafiste, a eu droit à des applaudissements intenses. Eh oui…Finis le regret et le découragement. C’est l’heure de l’exaltation, de l’ardeur et de la volonté. Le congrès, c’est la ruche de la ferveur.
Ahmed Ibrahim, 1er secrétaire général du mouvement Ettajdid, un indomptable indompté, qui porte sa foi à la boutonnière, ouvre le bal. Y va au canon. Dénonce la dislocation des disciplines. Tacle la Troïka au pouvoir. Pilonne le fanatisme ambiant. Excite. Tonne. Tempête. Massacre les forces obscurantistes avec des mots et des gestes. Appelle à combattre le danger rétrograde et de se porter au devant de lui. Dans l’unité et la fusion des démocrates tunisiens. Qui sont en mesure, dit-il, de renverser les rapports de force, issus du scrutin du 23 octobre 2011.
Le discours est musclé. La voix est extrêmement vivante, juvénile, susceptible de variations, avec des ruptures. Notre interlocuteur, fidèle à la boussole de sa jeunesse, essaie de roquer comme aux échecs. En prise directe avec l’émotion du jour, il ne fait ni le disgracié ni le frondeur. Il est plutôt conscient des impératifs de la situation politique postrévolutionnaire. De l’urgence du resserrement ders rangs de la grande famille de la gauche. Car, dit-il, après le triomphe de la révolution de la liberté et de la dignité en Tunisie, il n’y a de monde que pour les forces qui s’en emparent.
Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve, conclut Ahmed Ibrahim.