Du blé dur, de la semoule, des pattes alimentaires, de l’orge, du son, du couscous, de l’huile végétale, des produits laitiers, du sucre, des produits avicoles, des viandes rouges vives, du Diammonium de phosphate, de l’ammonitrate (compensé à hauteur de 90% la tonne soit plus de 400 D des caisses de l’Etat), des légumes et des fruits. Autant de produits exportés vers la Libye par des contrebandiers professionnels habitués aux sentiers sahariens et trompant à maintes reprises la vigilances des garde-frontières et douaniers qui ne peuvent couvrir les 400 km de zones frontalières entre la Tunisie et son voisin du Sud-est et dont les moyens tant matériels qu’humains laissent à désirer.
Tous les produits cités plus haut sont compensés par l’Etat. Alors qu’en 2010, nous avons consommé 9,803 millions de quintaux en blé dur, en 2011, cette quantité a atteint les 10,506 millions de quintaux. La différence est payée par Caisse de compensation, c’est-à-dire par le contribuable. La «consommation» de l’huile végétale, compensée à hauteur de 1,200 millimes le litre, a augmenté en 2011 de 15,500 tonnes, ce qui revient à peu près à 18,6 MDT sortis tout droit des caisses de l’Etat et profitant aux trafiquants, négociants, commerçants ou exportateurs, c’est selon.
De nos voisins libyens et algériens, les entrepreneurs du désert importent la farine, les fromages, des produits alimentaires de qualité douteuse, les hydrocarbures, les drogues douces et récemment dures comme l’héroïne, et ces derniers temps grâce (sic) à la révolution libyenne, des armes lourdes comprenant même des lance-roquettes et des missiles.
Les contrebandiers spéculent sur tous les besoins et très fréquemment en provoquent d’autres. Un commerce qui a prospéré sur les frontières bénéficiant autrefois de la complicité des autorités en place qui préféraient laisser faire pour éviter les risques de troubles sociaux et profitant depuis 2011 du vide sécuritaire engendré par le soulèvement en Tunisie et la révolution libyenne ainsi que la disparition des maître de jeux couverts autrefois à l’échelle de la plus haute pyramide de l’Etat tunisien, adepte du dicton «vivre et laisser vivre tant que mes intérêts sont préservés».
A qui profite la contrebande?
Il faut tout d’abord remonter aux années 90, date qui marque le développement des opérations de contrebande initiées au début sous des couvertures légales par des proches du président et qui ont laissé la relève ensuite à la famille de sa femme. Des réseaux organisés impliquant des complicités à différents niveaux. Parfois même, comme l’a précisé Mohamed Ghodbane, secrétaire général des agents de douane lors de l’émission télévisée diffusée jeudi 8 mars sur Al Watania 2: «On obligeait certains agents à autoriser le passage en Tunisie de produits illégaux, à tel point que nombreux prenaient des congés de maladie pour éviter d’obéir aux ordres en question. Nos agents sont très compétents et représentent notre plus grande richesse, mais il va falloir revoir la législation et nous doter des moyens qu’il faut…».
Les agents de la douane ne sont pas tous des «héros», parmi eux, il y en a qui, malheureusement, s’y soumettaient de gré ou de force, c’est ce qui explique l’essor de la contrebande et du commerce parallèle qui sont devenus les maux de l’économie tunisienne.
Dénoncés à maintes reprises lors des assemblées générales de l’UTICA par des entrepreneurs hors d’eux qui trouvaient qu’ils étaient concurrencés dans leur propre pays par des produits venus d’ailleurs et dont la qualité est plus que douteuse, ces mauvaises pratiques ont continué à sévir après le soulèvement pour des raisons sociales.
Aujourd’hui, la contrebande a évolué et le nombre de produits dangereux a augmenté. «Je vais être franc avec vous, pour moi, le plus important est de veiller à la sécurité du territoire tunisien, ce qui revient à dire que nous ne pouvons permettre à quiconque de faire passer des armes sur le sol tunisien. Nous avons à maintes reprises procédé à l’arrestation de contrebandiers en possession d’armes dangereuses, sans oublier les drogues toutes catégories confondues. Nous venons d’arrêter des passeurs qui transportaient plus de 650 kg de hachich en provenance d’Algérie. Si je devais choisir, je dirais que la contrebande des hydrocarbures est un moindre mal», a indiqué le colonel Adel Bourogaa, directeur des frontières terrestres à la direction générale de la Garde nationale.
A chaque fois que l’on tente de ralentir le phénomène de la contrebande, nous assistons à des émeutes sur les zones frontalières. Les mêmes raisons citées d’ailleurs pour éviter des demandes qu’on risque de ne pas pouvoir satisfaire de la part des populations vivant de ce commerce: «Nous avons faim, nous n’avons pas de travail pour nourrir nos familles. Donnez-nous du travail, nous arrêterons ces activités». Des arguments peut-être valables pour certains mais pas pour tout le monde.
A supposer que l’Etat mette en place un programme pour le développement des régions en y encourageant les investissements publics et privés et en y créant de l’emploi, ce phénomène disparaitrait-il? La réflexion a été engagée depuis belle lurette pour lancer des projets concrets et créer des postes d’emploi. Mais ce n’est certes pas la seule solution, il va falloir sévir par la loi. Car ceux qui ont été habitués au gain facile, à un enrichissement rapide et au commerce rentable sans aucune contrepartie ne lâcheront pas prise facilement. Sans oublier le cas des commerçants qui n’ont pas les moyens de s’acquitter de leurs taxes douanières, ce qui les encourage, comme l’explique ce négociant de Gafsa, à commander: «des Conteneurs en Turquie ou en Arabie saoudite, en les faisant entrer à travers les frontières libyennes pour éviter les douanes».
Devons-nous parer par des moyens légaux à des activités qui attaquent les équilibres fragiles de l’économie nationale? Des discussions devraient, peut-être, être lancées entre les autorités publiques centrales, locales, les représentants du commerce informel qui a aujourd’hui son syndicat et même les contrebandiers afin de limiter un phénomène qui risque de mettre à mal davantage notre économie. Des solutions rapides devraient être envisagées.
Mohamed Lassad Labidi, conseiller auprès du ministre de l’Industrie et du Commerce, a parlé du projet de création d’une zone de libre échange à Ben Guerdane afin d’intégrer les activités commerciales dans un cadre légal et légitime. Les récalcitrants devront subir les sanctions imposées par la loi.
30 à 40% d’économie informelle, il y a de quoi décourager plus d’un d’investir, de payer ses employés, d’assurer leur couverture sociale et de s’acquitter de ses devoirs fiscaux.