é dans le nord de la France (Photo : Mychele Daniau) |
[12/03/2012 07:52:20] RENNES (AFP) Années après années, exploitations agricoles et agriculteurs sont de moins en moins nombreux en raison d’une tendance à la concentration jugée coûteuse et irrationnelle par les syndicats d’agriculteurs minoritaires et certains experts.
Selon le dernier recensement agricole (2010), le nombre d’exploitations agricoles a chuté de 26% en 10 ans et l’emploi agricole a baissé de presque autant, pour ne représenter plus que 750.000 emplois à temps plein aujourd’hui.
La superficie moyenne des exploitations françaises a augmenté de 31%, à 55 hectares. Les petites et moyennes exploitations ont diminué fortement, les grandes exploitations se maintiennent, et les très grandes progressent. La surface agricole utile a reculé de 3%.
Et cette évolution n’est pas prête de ralentir. Une étude prospective publiée fin 2011 par l’Institut de l’élevage sur les vaches allaitantes (production de viande) décrivait ainsi un scénario “déjà en marche” de “concentration accélérée”, où les repreneurs jugés crédibles par les banques ne sont pas les jeunes agriculteurs, mais les grosses exploitations déjà en place.
Une évolution “à la danoise”, pays où “la taille des exploitations laitières a été doublé en 7 ans” de 2000 à 2007, au prix aujourd’hui de “grosses difficultés après l’éclatement d’une bulle foncière et financière”, selon l’Institut.
Les syndicats d’agriculteurs minoritaires comme la Coordination rurale ou la Confédération paysanne dénoncent cette évolution vers des fermes toujours grosses et plus capitalistiques, accusant la FNSEA, le syndicat majoritaire, au mieux de laisser faire, au pire de pousser les feux, au nom de la “compétitivité”.
“Nous avons connu la mécanisation heureuse”
De fait, en privé, les responsables de la FNSEA comme les dirigeants des puissantes coopératives agricoles reconnaissent qu’il est inéluctable que certains agriculteurs quittent leur activité, pas assez compétitifs pour faire face aux marchés mondiaux.
“Nous avons connu la mécanisation heureuse” après la guerre, qui voyait les fermes s’agrandir et les paysans s’élever socialement, explique François Lucas, le porte-parole de la Coordination rurale. “Mais aujourd’hui, c’est un train fou qui n’a plus de conducteur”.
Les exploitations deviennent trop chères pour être reprises par des jeunes ou des individus, et ce sont de plus en plus des sociétés “sans visage” qui tendent à les reprendre, dénonce-t-il.
Pour Gilles Bazin, professeur au département d’économie d’AgroParistech, l’argument de la compétitivité sur les marchés mondiaux est un leurre, compte-tenu de l’importance des subventions publiques à l’agriculture, y compris pour les très grosses exploitations.
En fait, “on construit” avec la concentration “un système très intensif, très fragile, et très aidé”, où “ce sont les plus grosses exploitations qui captent le plus d’aides”, souligne-t-il.
Selon lui, les aides publiques ont constitué en 2010 69% du revenu (courant avant impôt) des exploitations agricoles françaises. Le ratio est de 54% pour les exploitations de grandes cultures, 79% pour les exploitations laitières, 207% pour les exploitations de viande bovine…
Pour une agriculture plus équilibrée territorialement, et moins destructrice d’emploi, “il faut une répartition plus équilibrée des aides, pour qu’elles aillent plus vers des exploitations moyennes cherchant à développer les circuits courts de distribution, le bio, encourageant la pluri-activité…”, estime-t-il.