Mohamed Bichiou, DG de la Bourse de Tunis, tacle les banques

Mohamed Bichiou, le directeur général de la Bourse de Tunis, affirme dans un entretien que’«aujourd’hui, le marché financier exerce dans un environnement de concurrence déloyale, car la transparence financière, exigence dictée par la loi en vigueur, n’est pas systématiquement respectée, par les autres institutions financières, en l’occurrence les banques».

Toujours dans cet entretien accordé à la TAP, M. Bichiou précise que les banques ont toujours cette tendance à n’assurer aucun suivi de la situation des entreprises qu’elles financent, «elles se limitent, après l’octroi du prêt, à superviser les mouvements du compte bancaire de l’entreprise». Et d’estimer que «pour contourner la contrainte de la transparence exigée par la Bourse, les entreprises en quête de financement vont s’orienter vers les banques qui sont peu regardantes sur cette exigence».

Par ailleurs, selon le directeur général de la Bourse, les pouvoirs publics ont un grand rôle à jouer en matière de dynamisation de cette institution tout encourageant la culture boursière. En effet, a-t-il avancé, la composition sectorielle actuelle des entreprises cotées en bourse fait ressortir une quasi absence des secteurs stratégiques, tels que le transport, les mines et énergies qui relèvent pour l’essentiel de la tutelle de l’Etat (entreprises étatiques et semi-étatiques).

«En cédant une part de 5 ou 10% du capital de ces entreprises, l’Etat gardera toujours le contrôle de la société et conférera à sa participation plus de transparence dans la mesure où celle-ci serait directement supervisée par le marché (états financiers audités, communication financière périodique…)», affirme M. Bichiou pour qui le système fiscal actuel n’accomplit pas la mission qui lui est réellement impartie, recommandant, à ce propos, de réviser les incitations fiscales, notamment celles accordées aux entreprises qui décident de s’introduire en Bourse et figurant dans la loi 99-92 du 17 Août 1999 relative à la relance du marché financier.

En vertu de cette loi, le taux d’impôt sur les sociétés est réduit à 20% pour celles qui procèdent à l’admission de leurs actions ordinaires à la cote de la Bourse, à condition que le taux d’ouverture du capital au public soit au moins égal à 30%, et ce pendant cinq ans à partir de l’année d’admission. Ces incitations fiscales ont été renouvelées tous les cinq ans, depuis leur institution, a précisé M. Bichiou.

M. Bichiou préconise, à cet effet, de faire bénéficier les entreprises qui s’introduisent en Bourse d’un abattement fiscal selon leur taux d’ouverture au public, c’est-à-dire que «plus l’entreprise ouvre son capital au public moins elle paye d’impôts», et ce, dans le cadre d’un projet de loi.

Dans la perspective de développer la culture boursière, la BVMT lancera, à partir d’avril 2012, une campagne de promotion du Marché financier tunisien, visant quatre cibles, a annoncé M. Bichiou.

La première concerne toutes les entreprises potentiellement cotables, y compris celles qui sont déjà inscrites à la Cote, a fait savoir le directeur général de la Bourse. Dans cette finalité, l’action de la BVMT s’articulera autour de trois axes. Le premier a pour objectif de «réactiver» le Programme national pilote d’assistance au recours au marché financier (PNAR marché financier), lequel est resté, jusqu’ici,  “lettre morte”, selon M. Bichiou.

Initié en 2007 par le ministère de l’Industrie et le Conseil du marché financier (CMF), ce programme qui touche les entreprises adhérentes au Programme de mise à niveau (PMN), a pour objectif de renforcer les ressources financières de ces entreprises en mettant à leur disposition des experts chargés de les accompagner durant la phase d’introduction en bourse. Près de 60 entreprises ont bénéficié de ce programme, a-t-il rappelé.

Le deuxième axe vise à introduire en Bourse les entreprises qui sont détenues majoritairement par les banques (publiques et privées), tandis que le troisième tend à approfondir la relation entre la Bourse et les entreprises cotées, a encore avancé M. Bichiou.

Le directeur général de la Bourse souligne que les médias sont la deuxième cible. A ce titre, la BVMT compte organiser des sessions de formation au profit d’une centaine de journalistes. Elles porteront, notamment, sur les méthodes d’analyse et de diffusion des informations financières et boursières, en vue de vulgariser la culture boursière auprès du grand public.

Vient ensuite la troisième cible de la campagne de promotion de la Bourse, en l’occurrence les professions libérales. L’objectif est de développer la demande sur le marché financier émanant de cette catégorie de la population.

M. Bichiou a fait savoir que la Bourse compte, dans un premier temps, créer une école de Bourse via son site web, au profit de cette cible, en attendant la préparation des autres supports de communication qui seront utilisés pour y parvenir.

Quant à la quatrième cible, elle concernera les étudiants (toutes filières confondues), les lycéens et très probablement les écoliers, a-t-il avancé. L’action auprès de cette cible consistera en l’organisation, dans une première étape, d’un concours régional entre les différents pôles universitaires du pays. Il s’agit de former au niveau de chaque pôle un club d’investisseurs qui auront à gérer virtuellement un portefeuille de titres et l’équipe gagnante représentera sa région dans le cadre d’un concours national qui sera organisé dans un second temps.

Parallèlement, il sera procédé au renforcement des qualifications des différents acteurs du marché (intermédiaires en Bourse….) pour améliorer la qualité des services fournis à la clientèle, a conclu le directeur général de la Bourse.