Il est surprenant de constater que notre pays, la Tunisie, bien qu’ayant été l’initiateur du Printemps arabe, bien qu’ayant été le premier pays arabe à avoir délogé son dictateur, soit aujourd’hui favorable à une retraite paisible de tout dictateur.
En effet, il semblerait que la Troïka au pourvoir depuis les élections du 23 octobre dernier, malgré ses appels à la vengeance, ses promesses et ses engagements à ce que tout un chacun rende compte de ses abus, de ses faits et gestes, cette même Troïka abonde, maintenant, dans le sens d’une retraite paisible des dictateurs. Cela s’est manifesté à deux reprises récemment.
La première en date est l’abstention de Hamadi Jebali de demander l’extradition de Ben Ali lors de sa visite en Arabie Saoudite alors qu’il avait l’opportunité de le faire de vive voix à Son Altesse royale en personne.
La dernière en date est la déclaration faite par le président de la République: «La Tunisie est prête à accueillir Bachar Al Assad» suite à la réaction de la Russie qui lui a gentiment demandé de s’occuper de ses affaires quand Moncef Marzouki a proposé à ce qu’elle accueille le dirigeant syrien. Marzouki est même allé plus loin, puisqu’il a affirmé renoncer à demander l’extradition de Ben Ali en échange de l’octroi de l’asile d’Al Assad.
Ces deux positions amènent à se poser des questions sur leurs mobiles qu’il est difficile d’expliquer.
Qu’est-ce qui amènerait des opposants qui ont combattu pendant une bonne partie de leur vie des dictateurs à en arriver là, à vouloir faire de la Tunisie un paradis pour dictateurs, voire à demander à pardonner ces dictateurs et à les laisser vivre en paix?
Cela semble être en parfaite opposition avec la cause qu’ils ont combattue quand ils étaient dans l’opposition. Si renoncer à demander l’extradition de Ben Ali peut être assimilée à une forme de générosité et de pardon, lui pardonner pour tout ce qu’il leur a fait, offrir l’asile à Bachar Al Assad ne peut être dû à un excès de générosité car ils n’ont jamais eu affaire à lui avant et pour la simple raison qu’ils ne peuvent lui pardonner pour ce qu’il a fait aux autres.
Serait-ce donc en prévision de l’avenir maintenant qu’ils sont au pouvoir? Il est vrai que l’avenir est toujours fait d’imprévus et que les risques d’erreur sont importants. Il est aussi vrai qu’une fois au pouvoir, ils ont commencé à adopter des méthodes proches de celles de ces dictateurs.
A moins que leur combat ne soit pas contre la dictature, mais contre le fait de la subir.
Il serait important que la Troïka prenne la peine de justifier ces positions et donne les vrais arguments, car rien ne justifie de renoncer à l’extradition de Ben Ali et à demander le rapatriement des fonds spoliés, tout comme rien ne justifie cette insistance à vouloir avoir Bachar Al Assad en Tunisie au point de proposer son échange contre Ben Ali.