Tant que la lumière n’a pas été faite sur le meurtre odieux du prédicateur, dimanche dernier à Montplaisir, l’opinion publique a exploré toutes les hypothèses afin de comprendre. En vain.
Le mystère est entier. Cinq coups de couteau (ou autre) assénés à l’aube à un prédicateur connu, selon de nombreux témoignages, pour être sans problèmes ni appartenance politique sinon celle du mouvement Attabligh. Pourquoi?… Et surtout que les scénario du braquage et du règlement de comptes semblent écartés.
C’est hier, lundi 12 mars, juste avant la prière d’Al Asr, que le cortège funèbre, aux cris forts d’Allahou Akbar, scandés par une foule importante de Salafistes, s’est acheminé vers le cimetière Al Jallaz pour l’inhumation de Lotfi Kallel, abattu sans savoir pourquoi. Quelques journaux, hier et aujourd’hui, rapportent qu’une automobile de location était stationnée devant la maison du prédicateur, dimanche à l’aube, attendant de le voir se manifester pour lui tomber dessus –la victime ayant pris l’habitude de prier à l’heure à la mosquée du quartier.
Pour le moment, l’opinion publique privilégie deux explications possibles. Ou que c’est une première réaction, mais de grande ampleur, contre les Salafistes coupables, aux yeux de beaucoup, de semer le trouble dans le pays et d’avoir, avec un sans-gêne abject, profané le drapeau tunisien, ce qui revient à dire que la guerre est maintenant déclarée entre les uns et les autres. Ou que les Salafistes eux-mêmes ont perpétré ce crime horrible pour justifier leurs actes et se donner des raisons de continuer sur leur lancée (un scénario qui ne peut ne pas rappeler ces fausses images de victimes de guerre américaines, diffusées sur toutes les télévisions du monde en 1991 pour justifier les frappes américaines contre l’Irak).
Dans tous les cas de figure, et quels qu’en soient les motifs, ce meurtre risque de donner des ailes à une escalade du meurtre que plus rien, sauf miracle, ne pourrait arrêter. Car il y a une autre inconnue, encore plus intrigante que ce conflit qui se met en place, qui nourrit la consternation générale, qui donne parfois des sueurs froides: cette attitude de simples d’observateurs qu’adoptent parfois les pouvoirs publics. Béji Caïd Essebsi lui-même, lors d’une récente rencontre télévisée sur Nessma TV, a dit son étonnement que le «profanateur du drapeau tunisien profite encore de l’impunité chez lui» sans que personne ait pu lui mettre la main dessus. Or, les Tunisiens savent très bien que 99,99% des affaires criminelles ou autres ont régulièrement été élucidées en un temps record par la police tunisienne. De nos jours, plus exactement depuis la montée des Salafistes au créneau, certaines affaires tardent à être clarifiées ou restent carrément lettre morte.
Qui est avec qui? Que veulent au juste les uns et les autres? Comment en sommes-nous arrivés jusque-là? Qu’est-ce qui a fait que les Tunisiens, naguère solidaires, tolérants et très portés sur la paix et la concorde, en sont arrivés jusqu’à s’entredéchirer et s’entretuer? Pourquoi? Pourquoi s’acharner à faire de la Tunisie ce qu’était l’Algérie du début des années 1990? Allons-nous, à notre tour, vers ce scénario macabre où le frère tue son propre frère, le cousin son cousin, le père sa fille ou son fils?
Mais qu’est-ce qui est en train de nous arriver?!!!… Pourquoi?!!… Et jusqu’à quand?!!!