La taxation des exilés fiscaux : une riposte “symbolique” pour les experts

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ésident-candidat Nicolas Sarkozy prononce un discours devant les salariés de Sagem-Safran, le 13 mars 2012 à Fougères (Photo : Charly Triballeau)

[13/03/2012 18:54:14] PARIS (AFP) Dernière bombe fiscale lâchée dans la campagne électorale, la taxation des exilés fiscaux français promise par Nicolas Sarkozy fait figure aux yeux des experts de mesure avant tout symbolique, riposte au super-impôt sur les hyper-riches de François Hollande.

“Cela représenterait quelques dizaines de millions d’euros” de revenus pour les caisses de l’Etat, “on est dans le symbole alors que la France doit trouver 20 milliards d’euros rapidement pour réduire ses déficits publics”, avance Christian Saint-Etienne, professeur à l’Université Paris-Dauphine.

Nicolas Sarkozy a estimé que cet impôt pourrait rapporter “500 millions d’euros”, par opposition à la taxation proposée par François Hollande qui en rapporterait “zéro”.

L’imposition des exilés fiscaux “c’est quand même plus intelligent qu’une taxe à 75% dont on précise deux jours après qu’elle ne rapportera rien et qu’elle a vocation à être symbolique”, a déclaré M. Sarkozy lors d’un colloque sur la compétitivité organisé par l’Association française des entreprises privées (Afep) et le quotidien Le Monde.

Sur le fond, l’équipe de son adversaire socialiste n’est pas loin d’approuver l’initative, jugeant “anormal” que “de grandes fortunes françaises s’exonèrent de l’effort de redressement financier de notre pays en le quittant pour échapper à l’impôt”.

Elle travaille sur une mesure similaire, poursuit Thomas Chalumeau, chargé de préparer les “arguments économiques” de François Hollande, qui revendique une idée lancée selon lui dès mars 2007 par Dominique Strass-Kahn et Didier Migaud, l’actuel premier président de la Cour des comptes.

S’il remportait la présidentielle, Nicolas Sarkozy a annoncé lundi soir sur TF1 qu’il proposerait de taxer les revenus du capital des exilés fiscaux. Ceux-ci devraient s’acquitter auprès du fisc français de la différence entre l’impôt qu’ils versent à l’étranger et celui qu’ils verseraient en France.

Une foule de conventions à renégocier

La plupart des deux millions d’expatriés français qui ne perçoivent que leur salaire seraient épargnés, cette mesure ne s’appliquant qu’aux dividendes, plus-values et intérêts, a pris soin de préciser Nicolas Sarkozy.

Le président-candidat, qui s’évertue à se départir de l’image de “président des riches” que lui colle ses adversaires, juge “profondément choquant” que l’on “puisse avoir la nationalité française et s’exonérer de la fiscalité française”.

Interrogé lundi soir à Bruxelles, dans la foulée de l’annonce présidentielle, le ministre des Finances François Baroin a estimé que ce “projet politique” pourrait “se faire rapidement, au début (d’un) nouveau mandat de Nicolas Sarkozy” même si “techniquement”, cela passe par la renégociation des conventions fiscales qui lient la France à plus d’une centaine de pays.

“Il va falloir changer 110 ou 120 conventions fiscales avec des pays qui ne seront pas nécessairement enclins à les modifier parce qu’ils perdraient au change”, oppose Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes.

Ce nouvel impôt, ajoute-t-il, pourrait “contrevenir aussi à la Convention européenne des droits de l’homme dans la mesure où il pourrait être considéré comme une mesure discriminatoire à l’égard des Français”.

Troisième difficulé, selon lui: “dissocier juridiquement les exilés fiscaux des expatriés”.

Pour ce banquier d’affaires, “cette mesure paraît inapplicable et dans l’hypothèse où l’on y parviendrait, elle exigerait beaucoup de temps et d’énergie”.

Ancien directeur de la législation fiscale à Bercy devenu avocat fiscaliste, Michel Taly y voit lui aussi une mesure esssentiellement “symbolique”. Pour être efficace, souligne-t-il, elle devra être assortie “d’accords d’assistance au recouvrement” avec les pays tiers.