Dans l’entretien ci-dessous, le fondateur du fonds d’investissement, Mena
Capital Partner (MCP), Hédi Ben Mlouka, nous parle de l’apport de ce fonds pour
les entreprises tunisiennes, mais porte également un regard sur le système
financier tunisien, y compris la finance islamique.
WMC: Les opérations financières réalisées par Mena Capital Partner (MCP), qui
ont souvent recours à un effet de levier par un financement outre l’emprunt
bancaire, ont-elles révélé des défaillances dans notre système financier?
Hédi Ben Mlouka: Réellement, il ne s’agit pas de défaillances, mais je pense que
le processus n’est pas encore rodé. Ainsi, les différentes procédures
administratives du CMF, de la
BVMT… prennent beaucoup de temps et avec
beaucoup de lenteur. Si le système devient plus rodé, cela pourrait avancer plus
rapidement avec notamment une réactivité plus importante de la part du
régulateur.
Pour l’instant, c’est l’administratif qui pose le grand problème. Une opération
d’augmentation de capital, par exemple, ne doit pas prendre 8 ou 9 mois entre le
jour où l’entreprise prend la décision et la réalisation de l’augmentation. Ça
devrait prendre beaucoup moins que ça, parce que si l’entreprise a besoin d’une
augmentation de son capital c’est pour faire une intégration verticale, donc
elle ne peut pas attendre presque une année.
Il faudrait qu’on développe le partenariat public/privé pour que ces
transactions se fassent beaucoup plus rapidement. De mon point de vue personnel,
je vois que, culturellement, ça doit changer pour que les choses avancent
rapidement.
Dans un marché concurrentiel, il est vital pour une entreprise de saisir les
attentes et les évolutions économiques via des solutions innovantes. Pouvez-vous
nous expliquer l’apport de MCP en termes de valeur ajoutée pour ses clients?
D’abord, il s’agit d’apporter une solution adaptée aux objectifs bilanciels de
l’entreprise tout en tenant compte des contraintes. Je m’explique: nous
apportons à l’entreprise des solutions financières plus intelligentes et plus
élaborées, où la Tunisie est très en retard, ainsi que de trouver un partenaire,
que ce soit dans le capital, la dette, l’hybride ou le convertible. Mais il faut
réfléchir d’abord. Il ne s’agit pas de trouver seulement de l’argent mais aussi
d’offrir à l’entreprise la manière adéquate pour lever des capitaux.
Par ailleurs, à travers le réseau de l’actionnaire de référence de MCP, on
injecte de l’argent dans le capital des entreprises qui le désirent, et nous
sommes très proactifs parce qu’on connaît déjà très bien les dossiers, ce qui
nous permet de prendre rapidement la décision, comme c’était le cas d’ailleurs
pour
SOMOCER.
En outre, on utilise notre réseau international, particulièrement à Londres, au
Moyen-Orient et aux Etats-Unis, afin de trouver des solutions adéquates aux
entreprises tunisiennes, et d’ailleurs nous avançons sur pas mal de dossiers
dans ce sens.
On annonce une croissance mondiale de la finance islamique pour les cinq
prochaines années qui devrait être deux fois plus rapide que celle de la finance
conventionnelle. Est-elle à même de permettre à la Tunisie de lutter contre la
crise, comme le pensent beaucoup de gens?
Malheureusement, beaucoup de gens, qui ne connaissent pas la finance islamique,
pensaient que cette dernière représente un système alternatif à celui existant.
Or, il s’agit du même système sauf que le système financier islamique est
présenté différemment. C’est-à-dire qu’on n’a pas ramené une nouvelle vision du
financement des projets mais on a documenté les textes autrement.
Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais intrinsèquement il y a un crédit
et un taux d’intérêt derrière. Toutefois, ça ne veut pas dire que la finance
islamique n’a pas de place en Tunisie. Le besoin est là puisque certains
Tunisiens se sentent plus à l’aise à investir avec une banque islamique. Il faut
donc respecter la vision de ces gens.
Pou finir, quelles-sont les ambitions de MCP sur le plan macro-économique à
moyen terme?
Nous souhaitons essentiellement contribuer à l’évolution du paysage financier
tunisien parce qu’on a accumulé beaucoup de retard surtout par rapport à la
“Corporate finance“ auprès des entreprises ayant besoin d’un financement. Je
pense qu’il y a un grand travail à faire sur ce volet, et qui aura un impact
réel sur l’économie tunisienne.
D’un autre côté, on veut aider davantage les entreprises tunisiennes à sortir du
marché local afin de conquérir les marchés régionaux et internationaux à travers
des compétences tunisiennes. Ainsi, on veut jouer un rôle important dans
l’innovation concernant notamment les produits de l’épargne tunisienne.