Dans une station service (Photo : Fred Tanneau) |
[14/03/2012 14:02:02] PARIS (AFP) L’essence à deux euros, cauchemar annoncé pour le portefeuille des automobilistes, est devenue pour la première fois une réalité à la pompe d’un parking parisien, où seuls vont s’abreuver les scooters et quelques motos de riverains désabusés.
Devant le parking privé du 16 rue Saint-Antoine, à deux pas de la Bastille et du Marais, de grandes pancartes vertes annoncent qu’on vend ici du sans plomb 95. Mais c’est en petit que la pompe affiche 2,02 euros.
“Ah bon, je viens de faire le premier plein à plus de deux euros? Merde, il fallait que ça tombe sur moi”, soupire sur son scooter Jérémy Rozan, un réalisateur de 35 ans. “Ceci dit, c’est un peu partout pareil à Paris”, où certaines stations du centre flirtent déjà allègrement avec les 1,80 euros.
Sous un beau soleil de fin d’hiver, les jeunes cadres sur le chemin du travail sont les plus nombreux à faire halte. “Attendez je coupe le moteur: je viens d’acheter l’essence la plus chère de l’histoire de France”, s’amuse Lucile, une avocate de 27 ans. “Tout le monde va croire que j’ai plein de fric”, dit-elle au moment de donner son nom.
Son scooter de poche n’a eu besoin que de 3,5 litres: 7 euros donc pour la jeune femme, qui peut les déduire de ses frais comme profession libérale.
“Je n’ai pas le choix, il n’y a pas assez de stations à Paris”, déplore-t-elle.
Dix, quinze, vingt euros: les petits réservoirs des deux-roues limitent la facture totale des clients, malgré le prix très élevé.
Le pompiste et le gérant du parking de 350 places, eux, ont la tête des mauvais jours: ils ne goûtent guère la soudaine notoriété de leur petite station, qui ne vend que du SP95.
Pas question de répondre aux journalistes accourus sitôt la nouvelle connue, relégués à quelques mètres de la pompe. “Les gens croient que c’est pour faire du fric, du fric, du fric, mais c’est simplement pour survivre”, maugrée le gérant, en refusant de donner son nom à l’AFP.
“On était à 1,97 euro depuis deux mois”
“On est à 2,02 euros depuis quelques jours, mais on était à 1,97 euro depuis deux mois. La station était déjà réputée être la plus chère de Paris”, glisse un voisin de 50 ans.
Tout symbolique qu’il soit, le franchissement du cap des 2 euros reste pour l’heure un cas isolé.
Tiré par la forte hausse du pétrole ces dernières semaines, le prix moyen en France du super sans plomb 95 a certes de nouveau battu son record la semaine dernière, mais à 1,62 euro. Son équivalent “de luxe”, l’octane 98, est à un sommet de 1,66 euro, le diesel (80% de la consommation) affichant en moyenne un peu moins d’1,44 euro.
Accepté, le litre à deux euros? Pas plus tard qu’en avril 2011, le patron de Total, Christophe de Margerie, avait déclenché une polémique en expliquant qu’il ne faisait “aucun doute” que le litre de carburant franchirait un jour ce cap.
Pour le président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip), Jean-Louis Schilansky, il faudrait en fait un baril entre 180 et 200 dollars (contre environ 105 à 125 mercredi) pour que le prix moyen grimpe à 2 euros le litre en France.
La question est ultra-sensible en ces temps de campagne: le socialiste François Hollande propose un blocage des prix qui est vilipendé par Nicolas Sarkozy, alors que Marine Le Pen promet une baisse de 20 centimes en agissant sur les taxes.
Tout ça, “je considère que c’est plutôt de l’enfumage”, commente Sophie Bertrand, 34 ans, rue Saint-Antoine, affirmant: “En tout cas ce n’est pas quelque chose que je vais retenir pour mon vote”.