Après la cascade de profits, pluie de bonus sur les salariés de l’auto allemande

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Ingolstadt, le 9 mars 2010 (Photo : Oliver Lang)

[14/03/2012 14:33:09] FRANCFORT (AFP) Jusqu’à 7.000 euros par tête: les salariés allemands de l’automobile vont toucher des primes historiques, reflet de profits inédits engrangés l’an dernier par leurs employeurs.

C’est à Ingolstadt (sud) que les salariés sont le plus choyés. Audi va y verser à ses 45.000 employés une moyenne de 8.251 euros chacun, du jamais vu.

“C’est un carton plein pour les salariés qui récompense leurs efforts de l’année dernière (marquée par) un travail intense et de nombreuses heures supplémentaires”, se félicite le représentant du comité d’entreprise et président d’IG Metall chez Audi, Joerg Schlagbauer, dans un entretien à l’AFP.

“Le montant est un record absolu”, comme le bénéfice opérationnel net de la marque aux anneaux, de 5,2 milliards d’euros, fait-il remarquer.

Depuis 2005, un accord d’entreprise prévoit que 10% du bénéfice opérationnel dépassant 1,2 milliard d’euros sont reversés aux salariés.

Les autres constructeurs ne sont pas en reste après des années de vache maigre et de restrictions salariales, en raison de la crise.

Volkswagen (maison-mère d’Audi), qui a enregistré un bénéfice net de 15,4 milliards d’euros en 2011, a annoncé une prime de 7.500 euros à environ 90.000 salariés allemands. Daimler va verser 4.100 euros et Porsche 7.600 euros. Soit bien plus que dans les autres secteurs de l’économie allemandes ou dans d’autres pays. Les salariés de l’italien Fiat toucheront ainsi 600 euros.

Que ces bonus doivent à la puissance des syndicats comme chez Volkswagen ou à la tradition d’une entreprise familiale “où le patron distribue des cadeaux en fin d’année”, il “est important que les actionnaires ne soient pas les seuls à profiter du succès”, estime Christoph Störmer, analyste automobile chez IHS.

Les entreprises ont d’autant plus intérêt à être généreuses que les travailleurs qualifiés sont devenus rares sur le marché du travail allemand.

“Tout le monde gagne: les salariés à ce que l’entreprise connaisse un succès durable, et l’entreprise à ce que les salariés lui soient durablement fidèles”, ajoute Ferdinand Dudenhöffer, professeur à l’Université de Duisburg-Essen.

Représentants du personnel, direction et analystes financiers s’accordent à voir dans ces primes le succès de la “codécision” à l’allemande, un modèle qui offre un large pouvoir aux salariés.

Dans les grandes entreprises et singulièrement dans l’automobile, “il serait inconcevable de prendre des décisions importantes contre l’avis du comité d’entreprise”, note M. Dudenhöffer.

Ainsi chez Audi, “le mécanisme de participation a été négocié en 2005, quand le groupe n’allait pas aussi bien, en renonçant à une partie du salaire de base en échange de cet intéressement aux profits, pour améliorer sa compétitivité”, rappelle M. Schlagbauer.

Six ans plus tard, Audi rivalise avec BMW et Mercedes-Benz dans le haut de gamme, et les salariés en récoltent les fruits.

Ces primes tombent en outre à pic pour les constructeurs, à l’orée d’importantes négociations salariales. “Ne pas verser tous ses bénéfices aux actionnaires, c’est une façon d’envoyer un signe pour la paix sociale”, juge M. Dudenhöffer.

Les syndicats réclament 6,5% d’augmentation. Les employeurs plaident la prudence.

Ainsi chez Volkswagen, l’annonce du super-bonus a-t-elle été l’occasion pour le directeur du personnel Horst Neumann d’appeler à “un juste équilibre entre l’augmentation du salaire de base, la compétitivité et la sécurité des emplois”.

Si les salariés sont récompensés après une année exceptionnelle, actionnaires, avec des dividendes records, et patrons, ont été aussi bien servis.

A la tête de Volkswagen, Martin Winterkorn a même établi le record historique de rémunération d’un patron du Dax, faisant plus que doubler son traitement à 17 millions d’euros.