Annoncée depuis lundi 12 mars, la grève illimitée des chauffeurs de taxis, prévue à compter de demain jeudi 15 mars, aurait été annulée. Mais ce n’est que partie remise, car les professionnels semblent débordés par une situation anarchique intenable.
Si la grève est maintenue, la vie économique et sociale dans, au moins, les grandes villes (la capitale en tête) va connaître une autre forme de paralysie à retombées fort coûteuses, cependant que la solution des problèmes dont souffre le secteur ne sera guère aisée.
Pour l’essentiel, trois grandes plaies asphyxient notamment les propriétaires de voitures de taxi. Au premier plan, les taxes aussi variées que lourdes dont s’acquittent bon gré mal gré les professionnels. Pourtant, même s’ils s’en plaignent tout le temps, jamais les taxis n’ont menacé d’observer une grève en raison de ces charges qui les malmènent. Sauf que deux autres problèmes, franchement épineux, sont venus se greffer à une situation déjà bien dure. Il s’agit de l’hémorragie des permis qui semblent être octroyés de manière anarchique et à outrance depuis la révolution. De surcroît, les professionnels désignent d’un doigt accusateur certains fonctionnaires de l’Etat pour être détenteurs de permis de taxi, d’où une concurrence doublement illégale.
Un autre problème, notoire depuis déjà quelques petites années, est venu faire déborder le verre: les taxis collectifs. Dénommés, autrefois, Transport Rural, ces minibus, également de couleur jaune, ont inondé les grandes villes, concurrençant et le transport public et le transport privé. Un chauffeur nous dit: «Regardez seulement ce qui se passe à La Marsa: il y a la compagnie TUS, il y a le TCV, le train, et depuis quelque temps ce transport collectif. Et que reste-t-il pour nous?!».
Sans aller jusqu’à souhaiter l’interdiction de ce Transport Rural devenu transport citadin, il y a forcément lieu d’organiser un peu ce secteur qui s’est imposé de lui-même. Que ces gros véhicules desservent des lignes trafic est probablement justifiable et même souhaitable. Mais qu’ils empiètent sur les circuits habituels que se disputent privés et public, c’est l’anarchie, indiscutablement.
Cela étant, ce serait une bonne occasion, lors des discussions qui ne manqueront pas d’avoir lieu pour mettre vite un terme à la grève programmée, pour inviter les chauffeurs de taxi à observer un peu plus de respect vis-à-vis du citoyen. Il est vrai que les taxis rendent un service indubitable au citoyen, mais que cela ne les autorise pas à adopter une attitude hautaine et désintéressée. C’est devenu très courant qu’un citoyen hèle un taxi pour récolter un refus net du genre «Non, je ne peux pas me rendre dans cette direction» ou bien «Excusez-moi, mais c’est l’heure du déjeuner» ou encore, et c’est le plus grave «Si vous allez dans telle direction, d’accord, sinon, je ne peux pas». Partout dans le monde, et dans tous les domaines, on dit que le client est roi. En Tunisie, seul le chauffeur de taxi est roi, il n’en fait qu’à sa tête, sans se soucier le moins du monde des contraintes du client qui l’obligent à emprunter un taxi.
Comme dans tous les domaines de la vie humaine, les professionnels ont leurs droits et leurs devoirs. Il serait fort souhaitable de trouver des solutions adéquates aux problèmes des chauffeurs de taxi, mais aussi de leur rappeler leurs devoirs.