Sous-effectifs, concurrence : d’ex-salariés d’agences de notation témoignent

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ût 2011 à Paris (Photo : Miguel Medina)

[14/03/2012 17:28:11] PARIS (AFP) D’anciens analystes d’agences de notation ont témoigné mercredi au Sénat sur leurs conditions de travail, faisant état d’un manque criant d’effectifs et d’une vive concurrence entre agences qui les a parfois poussés à noter sans disposer de données suffisantes.

Le Sénat a lancé mardi une mission d’information sur les agences de notation financière qui auditionnera et consultera jusqu’en juillet spécialistes, anciens salariés d’agences, émetteurs de dette et investisseurs, en France et à l’étranger.

“Votre question est redoutable, en filigrane, vous nous demandez: +saviez-vous ce que vous faisiez ?+, a déclaré aux sénateurs qui l’interrogeaient Anouar Hassoune, qui a travaillé sept ans chez Standard and Poor’s et trois ans chez Moody’s.

“La réponse c’est +non, pas toujours+. Il n’y a jamais assez d’analystes”, a répondu ce normalien, agrégé de gestion, diplômé de Sciences Po et d’HEC qui dit avoir connu des analystes chargés de 35 à 45 dossiers chacun.

“C’est humainement impossible, on était deux pour suivre le Crédit Agricole, ce n’est pas possible!”, a-t-il lancé.

Pour lui, l’analyse de Crédit Agricole nécessiterait “un bataillon d’une douzaine d’analystes avec 15, 20, 30 ans d’expérience, connaissant tous les tenants et les aboutissants de chaque métier” de ce géant de la banque.

“Mais ce n’est pas tenable économiquement parce que chacun va vous coûter entrer 500.000 et 600.000 euros, bonus compris” et votre “business est mort”, a-t-il poursuivi.

Derrière ce problème se trouve le modèle économique des agences, les marges élevées qu’elles réalisent pour leurs actionnaires, ont estimé les anciens analystes.

“On dit à juste titre qu’il est scandaleux que les agences dégagent des marges aussi importantes”, a déclaré Catherine Gerst, qui a travaillé chez Moody’s Paris de 1991 à 2000, d’abord comme analyste avant d’en devenir directrice générale.

Des agences qui n’avaient “aucune obligation de réinvestir dans les ressources humaines”, souligne Mme Gerst qui suggère de créer des contraintes de ce type, de limiter par exemple à 10 le nombre d’entités à traiter par analyste.

Quant aux prêts immobiliers à risque (“subprime”), les agences n’avaient que deux ans de recul sur ces nouveaux produits et ont noté “en sachant pertinemment qu’elles n’avaient pas les données” nécessaires, a-t-elle déploré, expliquant ce fait par “une compétition trop forte entre agences”.