Ils sont nombreux à lui faire la cour. Venus d’un peu partout. Le dernier en date a été Abdallah Gül, le président turc, dont la présence récente à Tunis a duré trois jours, alors qu’Erdogan, son chef du gouvernement, avait été l’un des premiers à y mettre les pieds peu après la révolution du jasmin. La Tunisie est devenue en quelques semaines l’une des destinations préférées de la diplomatie internationale, surtout moyen-orientale.
Les Turcs ne sont pas les seuls à s’y être précipités. Le Qatar a été très actif avec de nombreuses visites et promesses d’aides de la plupart de ses hauts dirigeants. L’Arabie Saoudite et d’autres représentants des Emirats Arabes également, mais avec plus de discrétion, à l’image de la France et son ministre des Affaires étrangères, ou bien de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne.
Par contre, plaidant depuis peu en faveur d’un «islamisme modéré» dans la région, les Etats-Unis d’Amérique ont fait fort. A l’issue des récentes et premières élections libres vécues par la nation nord-africaine, le parti vainqueur, Ennahdha, a dépêché en grande pompe à Washington (par le passé il avait été interdit aux USA) son leader Rached Ghannouchi de son vrai nom Kheriji.
Dans le même temps, ou presque, deux sénateurs yankees, des républicains, dont l’ancien candidat à la présidence des States, John MacCain, sont venus séjourner du côté de Carthage. Le premier d’entre eux a même été jusqu’à offrir au petit Etat de l’aider à former et équiper son armée et sa police. (Tiens, tiens, cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose de tricolore? Et rien du côté de l’Egypte où une ONG démocrate US a donné des cours de politique?). Ce n’est pas tout. La secrétaire d’Etat Hilary Clinton a séjourné à Gammarth, banlieue chic de Tunis, afin de participer à la «Conférence des Amis de la Syrie» (qualificatif pour le moins paradoxal).
Il n’y a que l’Europe dont la France notamment qui, dans ce domaine de la courtoisie ou intérêt diplomatique, ait fait preuve jusqu’à présent de bien peu d’empressement. Et pourtant à bien connaître le peuple tunisien, il est évident que celui-ci est dans sa grande majorité beaucoup plus proche de l’Europe du Sud, géographiquement ainsi que culturellement, et de la France principalement, que des lointaines Arabie et Amérique (1).
Pourquoi donc un tel engouement moyen-oriental et américain? Par souci géopolitique? A cause de la maturité des élites tunisiennes, guère belliqueuses de surcroît? Certainement pour ces deux raisons mais aussi probablement pour une autre hypothèse de poids, à savoir que le sous-sol du pays, sur terre comme en mer, renfermeraient des richesses insoupçonnées de pétrole et gaz?
C’est du moins ce que vient de confirmer une source proche des sociétés étrangères en recherches géologiques, actives depuis toujours dans le pays qui abrite déjà de petits gisements d’or noir (70.000 barils/jour environ), accréditant ainsi une rumeur qui courait depuis plusieurs semaines. Selon ces mêmes sources, des réserves, surtout en gaz, dans les eaux territoriales, entre Hammamet et Sousse, beaucoup plus importantes et de bien meilleure qualité que celles du Qatar, auraient été découvertes il y a plusieurs mois, avant la révolution, et gardées secrètes depuis par les pétroliers, clients des sociétés concernées.
Cette information pourrait en outre expliquer les propos tenus récemment dans ce sens, sans trop de précisions toutefois, par un haut responsable algérien du secteur disant que d’importantes découvertes avaient été faites en Tunisie. Tout comme les grands travaux d’équipement entamés dans le pays sous l‘ancien régime, voilà des années, avec des capitaux venus des Etats du Golfe dont le Qatar et de la Turquie justement.
Alors que la Tunisie, peuplée sur son petit territoire, d’une dizaine de millions d’individus, passait pour une nation sans aucune grande richesse minière, hormis les phosphates, et de ce fait sans un avenir économique d’envergure, voilà qu’elle avait commencé à se doter récemment d’équipements pour le moins gigantesques tous lancés et quelquefois terminés sous l’ancien régime, au détriment de la modernisation de régions déshéritées ou même de villes moyennes côtières.
Deux énormes chantiers ont été ainsi entrepris à Tunis même et ses abords. Primo, dans la capitale où il est prévu que l’ancien port de commerce, désaffecté, et en cours de démolition, tout comme un quartier mitoyen, connu depuis toujours sous le nom de «la petite Sicile» pour avoir abrité par le passé une population d’artisans d’origine italienne, doivent laisser la place à une immense marina entourée d’immeubles et surtout à une tour d’une vingtaine d’étages de…bureaux. Puis, la poursuite de l’aménagement des terres gagnées au Nord de la ville, sur une lagune en partie asséchée. Sur des dizaines d’hectares, immeubles, bureaux, sièges de sociétés, grandes surfaces, hôtels, ont poussé et continuent de pousser comme des champignons sans pour autant connaître une activité débordante et une occupation populaire importante. C’est là qu’est prévue l’installation d’un vaste centre d’entraînement sportif international de haut niveau et que l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique s’est plantée il y à peu, sur des milliers de mètres carrés à l’écart de toute autre construction en un complexe de bureaux et appartements étroitement surveillés et protégés. (2)
Auparavant, une cité avait vu le jour, au-delà de la zone touristique d’Hammamet, le long de la mer. Baptisée Hammamet Yasmina, aujourd’hui terminée mais semi déserte en dehors de l’été, elle comprend port de plaisance, médina, parc d’attractions, hôtels de standing mais aussi de nombreux immeubles d’habitation et de bureaux, ainsi que des villas qui laissent entendre que la vocation de la bourgade n’est peut-être pas seulement touristique. D’autant qu’à moins d’une vingtaine de kilomètres, dans un espace quasi désertique, à Enfidha, une société turque a construit et exploite un aéroport international capable de gérer sept millions de passagers par an.
Dans le même temps, sur la côte toute proche, un projet de port…en haute mer, capable donc d’accueillir les gros tankers et méthaniers en eau profonde, qui avait été lancé voilà plusieurs mois, redevient d’actualité.
Il est vrai que dans le golfe d’Hammamet justement, un petit gisement de pétrole avait été découvert, et c’est dans cette zone, c’est-à-dire dans les eaux territoriales de la Tunisie, qu’une énorme réserve de gaz naturel d’une excellente qualité aurait été détectée.
Devenue riche, entre la Libye actuellement en reconstruction et l’Algérie, encore hermétique, la Tunisie, créditée, chez ses hommes d’affaires, d’un savoir-faire commercial et économique à la «libanaise d’antan», ferait-elle de la côte sud de «Mare Nostrum», à quelques encablures de l’Europe, un nirvanas aussi important sinon plus important que la lointaine Arabie et ses voisins?
Chi lo sa ou Inch’Allah ! (Va savoir ou Si Dieu le veut !)
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